Une médaille d'or à Mario Draghi, le fossoyeur de l'Europe sociale

Nous publions ici une version réduite de la tribune parue dans le journal Le Temps écrite par notre camarade Claude Calame, Conseiller communal à Lausanne. Il condamne le prix décerné par la Fondation Jean Monnet pour l’Europe au Président de la Banque Centrale européenne (BCE).

La BCE est la seule banque centrale au monde qui ne prête pas aux Etats ayant adopté la monnaie qu’elle émet. Elle contraint ainsi les pays de la zone euro à emprunter sur les marchés financiers. Par ce biais, les emprunts des Etats européens sont soumis à des taux d’intérêt élevés. C’est un des très nombreux moyens par lesquels les dirigeants libéraux ont vidé les institutions politiques de tout pouvoir. C’est la raison pour laquelle ils s’accommodent fort bien du national-libéralisme qui règne désormais même sur les Etats-Unis. Wall Street ne s’y est pas trompé, puisque l’indice Dow Jones a connu une augmentation de plus de 20 % depuis l’élection de Donald Trump.

Mais les Grecs·ques ne sont pas prêts d’oublier le coup d’Etat financier dont ils·elles ont été les victimes le 13 juillet 2015. En dépit d’un refus exprimé par une procédure référendaire démocratique, Mario Draghi fait partie de celles et ceux qui ont imposé à la Grèce un troisième «plan de sauvetage». Un plan d’austérité drastique, qui a eu les effets destructeurs que l’on connaît: plus de 3 millions de citoyennes et citoyens grecs n’ont plus accès aux soins élémentaires; le taux de suicide a été multiplié par deux; la mortalité infantile a fortement augmenté; le taux de chômage se maintient à 25 % de la population active; et depuis 2010, le PIB de la Grèce a diminué de 25 % (encore – 0,5 % en 2016), alors que la dette souveraine reste accrochée à la proportion d’environ 180 % du PIB.

Hélas, il n’y a pas de surprise à ces conséquences destructrices, puisque l’essentiel de ces «plans d’aide» est allé aux banques grecques et surtout aux banques européennes qui avaient spéculé sur la dette du pays.

Ce faisant, Mario Draghi et ses complices ont enfreint plusieurs principes inscrits dans les traités qui fondent l’Union européenne. Par exemple, l’article 9 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (26.10.12) dispose que «dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union prend en compte les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine.»

Mario Draghi a donc sur la consciences le chômage, la pauvreté extrême, la privation de tout service de santé et finalement la mort prématurée d’innombrables citoyennes et citoyens européens. Dans ces conditions, il est inadmissible qu’une Fondation abritée par une institution universitaire et soutenue par la Confédération, l’Etat de Vaud et la Ville de Lausanne, honore des dirigeant·e·s qui sont au service des seules banques, de leurs directeurs·trices et de leurs riches actionnaires, pour la ruine sociale et culturelle des pays appartenant à l’Union européenne.

En 2014 la médaille d’or de la Fondation Jean Monnet a été décernée à José Manuel Barroso, alors Président sortant de la Commission européenne; il l’a désormais quittée pour rejoindre les rangs de la grande banque d’affaire étatsunienne Goldman Sachs. Mario Draghi, quant à lui, est passé de la responsabilité européenne auprès de Goldman Sachs à la direction de la BCE. La messe est dite.

Claude Calame

Article accessible dans son intégralité dans l’édition du journal Le Temps du 26 mai 2017 (rubrique «Débats»)