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National : Grève sur le lac majeur

Les organes dirigeants de la Société de navigation du Lac Majeur ont décidé de licencier les 34 salarié·e·s actifs dans les eaux suisses du lac. Les travailleurs et travailleuses en grève depuis le dimanche 25 juin se battent pour le retrait de ces licenciements.

Sans connaître encore l’issue du conflit, il s’agit d’ores et déjà d’un signal important envoyé par les salarié·e·s, et ce pour deux raisons au moins. Premièrement, le mouvement syndical ne se résigne pas à accepter ces licenciements. Pour une fois, les syndicats ne se sont pas mis à table pour négocier un plan social, acceptant par là leur fonction d’accompagnement des logiques patronales. Il s’agit d’un signal que les syndicalistes présents dans cette grève s’envoient, en un sens, à eux-mêmes.

Combien de fois au cours de ces dernières années ces mêmes organisations syndicales (nous pensons en particulier à l’OCST [syndicat chrétien-social du Tessin, ndlr] et au SEV, mais aussi dans une moindre mesure à Unia) ont accepté les injonctions du patronat, même lorsqu’il apparaissait évident que les suppressions de postes (ou les fermetures d’entreprises ou les délocalisations) répondaient avant tout à une logique de défense et d’accroissement des profits?

Deuxièmement, le fait d’avoir recouru à la mobilisation des salarié·e·s, fruit d’un travail continu d’écoute et de mobilisation (les derniers mois montraient déjà des signaux d’agitation dans les rangs de cette société). Une mobilisation qui est la seule garantie de succès ou qui, même si elle devait échouer, crée un rapport de force qui permettra de négocier une solution sans aucun doute meilleure que celle consistant à licencier 34 personnes. Car il est clair pour tout le monde qu’une grève et la mobilisation de salarié·e·s permettent de négocier dans des conditions meilleures que celles où les salarié·e·s ont déjà un pied hors de l’entreprise, exerçant ainsi une fonction de chantage et de démobilisation sur les autres.

Pour prendre le pouls de cette situation, nous nous sommes entretenus brièvement avec Gianluca Bianchi, secrétaire d’Unia responsable du conflit en cours.

Peux-tu résumer brièvement les raisons de la grève?

En 2016, la concession qui réglemente l’activité de transport sur le Lac Majeur a été rénouvelée (il s’agit d’un accord entre la Suisse et l’Italie sur les eaux partagées du lac). Cette nouvelle concession se base sur un renouvellement du service. Les discussions qui ont suivi l’accord laissaient déjà poindre les velléités de privatisation du service. C’est précisément pour pouvoir avancer plus librement dans cette direction (et négocier avec la compagnie qui gère la navigation sur le lac de Lugano) que la direction de la Société de navigation du Lac Majeur (SNLM) a décidé de licencier le personnel. Elle se libère ainsi de ce qu’elle considère comme un fardeau, à savoir la convention collective de travail (CCT).

Que demandent les grévistes?

Les revendications immédiates des salarié·e·s, à l’origine de la grève, sont claires: nous voulons le retrait des licenciements et le maintien des garanties conventionnelles actuelles, qui sont bonnes. Les travailleurs et travailleuses comprennent les problèmes auxquels la SNLM est confrontée, mais ils considèrent que ceux-ci ne peuvent ni ne doivent être résolus à travers le démantèlement de l’emploi et des droits sociaux, sans compter la privatisation de l’activité.

Comment en est-on arrivé à l’organisation de cette lutte?

En 2012 déjà, face aux coupes budgétaires, une pétition de soutien avait été lancée pour les travailleurs du bassin italien qui s’étaient mis en grève, pétition qui avait recueilli, notamment grâce à l’engagement des salarié·e·s, plusieurs milliers de signatures. Il faut dire aussi qu’il a toujours existé une tradition de mobilisation syndicale qui, face aux perspectives dépeintes par la direction, a toujours pris le chemin de la mobilisation. Il n’a donc pas été difficile d’en arriver à cette décision. Le tout s’est fait au travers de procédures démocratiques dans lesquelles ce sont les travailleurs et les travailleuses qui décident des suites et des formes de la grève. Les perspectives de lutte sont, pour l’heure encourageantes.

Quelles sont ces perspectives?

Il est évident que la grève en tant que telle doit permettre de construire un rapport de force différent, aussi bien face à la direction qu’aux autorités politiques cantonales et fédérales. En ce sens, l’attention est rivée sur les décisions que pourraient prendre aussi bien le Canton que la Confédération. D’un côté en reprenant les négociations avec le gouvernement italien (responsable de la SNLM), de l’autre en réfléchissant à des interventions à court terme qui pourraient lancer ces négociations. Cela ne me semble de loin pas impossible, quand on pense aux millions qui ont été injectés pour maintenir l’attractivité touristique comme dans les stations de ski, et qui sont sûrement moins importantes que la navigation sur le Lac Majeur. Et nous parlons d’engagements nettement inférieurs à ceux qui ont été pris pour les stations de ski.

Interview parue le 27.06 sur le site du MPS Tessin