Référendum d'au­to­dé­ter­mi­na­tion en Catalogne

Le 1er octobre prochain, le peuple catalan se prononcera sur l’autodétermination de cette région de l’Etat espagnol. Notre journal s’est entretenu à ce propos avec Oscar Blanco, membre de la direction de Anticapitalistas (Catalogne).


Une assemblée populaire en faveur du oui – Assemblea Cat

Comment en est-on arrivé à ce référendum? Le gouvernement de l’Etat espagnol peut-il l’empêcher?

«Voulez-vous que la Catalogne soit un Etat indépendant sous forme de République! ». Telle est la question posée par le référendum. Ce dernier est soutenu par la majorité du Parlement (malgré la menace d’interdiction prononcée par l’Etat espagnol), après 5 ans de mobilisations massives lors de la journée nationale catalane (plus d’un million de personnes). Il se tient suite à une première tentative en 2014, interdite par le Tribunal constitutionnel espagnol et transformée en « processus participatif ».

Après son recul en 2014, la droite catalane – devenue par opportunisme indépendantiste après les mobilisations massives – a transformé les élections régionales en plébiscite pour l’indépendance. Anticapitalistas s’y opposait, car le véritable objectif de ce revirement était de cacher la crise de la droite grâce à une liste indépendantiste avec Esquerra Republicana de Catalunya et les organisations de la société civile: Assemblée nationale catalane (ANC) et Omnium Cultural. 49% des votes sont allés à cette liste et à la Candidatura d’unitat popular (CUP, gauche radicale indépendantiste) et le gouvernement catalan s’est engagé à proclamer l’indépendance en 18 mois. La pression de la CUP et de secteurs de l’ANC et de Omnium a débouché sur un référendum unilatéral. Il est difficile de savoir si l’Etat espagnol pourra empêcher le référendum: peut-être que le coût politique d’une fermeture des bureaux de vote par la police, ou une mesure similaire, serait trop élevé? Mais il fera tout son possible pour éviter le référendum et le gouvernement catalan n’est pas préparé au choc institutionnel.

Quels secteurs sociaux et politiques appuient ou s’opposent au référendum?

Il est soutenu par le gouvernement catalan, la CUP, l’ANC et Omnium, ainsi que par des syndicats comme Unió dels treballadors d’ensenyament de Catalunya (syndicat des enseignant·e·s). Les anarcho-syndicalistes de la Confédération générale du travail affirment «ne pas avoir de motifs de le contester». Bien qu’opposés à toutes les solutions qu’ils estiment électoralistes, ils dénoncent la répression de l’Etat monarchique contre le référendum.

Podem Catalunya et Catalunya En Comú (auquel appartient Ada Colau, maire de Barcelone) ont aussi dénoncé la répression et le blocage du référendum. Ils·elles appellent à participer le 1er octobre, mais sous forme de mobilisation et non de référendum contraignant. Ce secteur a évolué de la passivité et de la quasi-­hostilité à un appel à participer critique.

Iniciativa per Catalunya Verds, tendance réformiste qui participe à Catalunya en Comú, a appelé à l’abstention.

Les patron·ne·s maintiennent leur appui au référendum, ou à d’autres solutions assurant la stabilité. Ils·elles tiennent pour responsables les gouvernements soit espagnol (petites et moyennes entreprises) soit catalan (le grand patronat).

Les forces du régime de 1978 (Partido popular, Parti socialiste et Ciudadanos) s’y opposent, menaçant même de suspendre l’autonomie catalane.

Que se passera-t-il en cas de victoire du oui ou du non?

La loi du référendum stipule que le Parlement catalan doit proclamer l’indépendance dans les 48 heures en cas de victoire du oui, ou convoquer de nouvelles élections régionales en cas de victoire du non. Si le oui l’emporte et que la participation est suffisante, l’effort principal des prochains mois consistera à obtenir la reconnaissance internationale de ce résultat et à négocier avec l’Etat espagnol les conditions de la rupture.

Quelle est la position de Anticapitalistas envers le référendum?

Anticapitalistas a soutenu le référendum, en Catalogne et dans tout l’Etat espagnol. Un référendum de désobéissance est la meilleure option dans le rapport de forces actuel. Il permet de dépasser les limites légales de l’Etat issu de la Transition et sa mauvaise gestion de la question nationale. Faire voler en éclats l’Etat en diverses communautés autonomes peut constituer un premier pas pour réformer les institutions et la manière de gouverner. Nous estimons donc qu’il possède un potentiel positif pour relancer la crise politique ouverte par le Mouvement du 15 mai 2011 (15-M), aujourd’hui dans une impasse avec la dérive de Podemos vers un co-gouvernement avec le Parti socialiste.

Anticapitalistas (Catalogne) appelle donc à voter oui le 1er octobre, comme premier pas vers un processus constituant radicalement démocratique. La construction d’une République catalane, pouvant décider en pleine souveraineté sa relation avec les autres peuples de l’Etat espagnol, devrait permettre la rencontre entre fédéralistes, confédéralistes et indépendantistes. Nous allons œuvrer à une participation massive le 1er octobre, car les partis du régime n’appelleront pas à voter non, mais à l’abstention. Il est important que tout le monde exprime son opinion, que la base sociale de ces partis déborde leurs directions et s’oppose à l’indépendance dans les urnes.

Si la participation est élevée et que le oui gagne, nous défendrons ce résultat, afin que le gouvernement catalan applique ses engagements de rupture. Si le non gagne, il faudra réfléchir à la nouvelle phase ouverte en Catalogne. Pour Anticapitalistas, il est important que le 1er octobre soit un point d’inflexion et d’une certaine manière la fin de ce qui a été connu jusqu’ici comme processus souverainiste catalan.

Propos recueillis pour solidaritéS par Juan Tortosa Traduction de l’espagnol: Hans-Peter Renk