Allemagne

Allemagne : Un débat sur le climat et les emplois prend forme

L’an passé, à peu près à la même époque, dans le cadre de la campagne Ende Gelände, un affrontement verbal vigoureux avait opposé militant·e·s contre les mines de lignite et syndicalistes du syndicat IG BCE, le Syndicat des mines, de la chimie et de l’énergie (voir solidaritéS nº 292, du 25.08.2016). Aujourd’hui, en Rhénanie, le temps de la discussion semble venu.


Infoletta Hambach

Le coup d’envoi a été donné par un débat appelé le samedi 19 août par le Camp climat. Manfred Maresch, responsable régional du syndicat d’industrie des mines, de la chimie et de l’énergie (IG BCE) y participait, avec Janna Aljets, des Jeunesses du Bund. Le Bund désigne l’Union pour l’environnement et la protection de la nature, membre des Amis de la Terre au niveau international. Janna Aljets est également porte-parole de l’Alliance Ende Gelände. Un représentant de la population locale et un autre de l’Institut du travail et la technique de Bochum étaient aussi à la tribune. Environ 300 personnes, jeunes ou âgées, employé·e·s de RWE (l’entreprise extrayant le lignite) ou protecteurs et protectrices du climat ont pris place ce samedi après-midi dans la salle communale d’Erkelenz.

La question posée était celle-ci: «Que se passera-t-il après le lignite? Et comment y parviendrons-nous de manière socialement juste?» Il n’y a pas eu de rapprochement sur le fond. Le syndicaliste a certes reconnu la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais a maintenu que le charbon (lignite) était une «énergie de transition». Son horizon se situe en 2050, lorsque les dernières mines à ciel ouvert fermeront (le gouvernement fédéral vise 2045 pour la sortie définitive du charbon). Son principal problème était que l’Allemagne devait se maintenir comme site industriel ; il ne pouvait pas s’imaginer une modification radicale de la production industrielle des marchandises, établissant en ce sens un lien bien trop étroit entre le mode de production existant à ce jour et «notre bon niveau de vie» qu’il s’agirait de défendre.

Ce jour-là, une position de ce genre était, on s’en doute, fortement minoritaire. Une excellente modération de la discussion toutefois évité que des points de vue si clairement incompatibles ne dérapent en confrontation sans issue ; la discussion est plutôt devenue une forme de «rencontre interculturelle»: chacun et chacune étant conscient des difficultés de la coexistence, celle-ci a été justement préservée au vu des difficultés. Ainsi, l’ensemble des participant·e·s, syndicaliste y compris, se sont félicités de l’atmosphère constructive dans laquelle s’est déroulée cette discussion nécessaire sur un indispensable changement structurel et espèrent qu’il y ait une suite à ce premier pas. Trois jours plus tard, M. Maresch était invité à un atelier de discussion sur le changement régional dans le Camp climat. L’offensive de charme s’est poursuivie des deux côtés. Le syndicaliste a alors reconnu que la réception des protecteurs·trices du climat par les mineurs serait bien moins amicale que ne l’a été l’inverse.

Il n’y avait toutefois plus trace de l’accueil de furieux réservé aux protecteurs et protectrices du climat par l’IG BCE l’an passé. Brandissant le poing, les syndicalistes disaient alors en avoir «Ras-le-bol de la violence des manifestants écologiques».

Le syndicat des mineurs a tenu le 25 août une manifestation à laquelle participait son président Michael Vassiliadis, qui a déclaré tout net à l’intention des participant·e·s au Camp climat: «Vous avez le droit de protester, mais vous ne pouvez pas nous faire la morale et faire comme si les mineurs péchaient contre le monde entier». Le dialogue reste visiblement une option encore unilatérale…

Traduction/adaptation Daniel Süri. D’après l’article d’Angela Klein (intersoz.org), rédactrice de la Sozialistische Zeitung et membre de l’ISO, la nouvelle section allemande de la IVe Internationale.


Aucun relais politique

Les protecteurs et protectrices du climat ont réussi à faire un thème électoral de la revendication d’un plan contraignant pour une sortie rapide du lignite. Mais on ne peut pas compter sur les partis: les Verts revendiquent certes une sortie du charbon et la fin du diesel en 2030, mais ils sont et seront bridés dans cette voie par leurs politiciens régionaux, et d’abord par Winfried Kretschmann, ministre-président du Bade-Wurtemberg, haut lieu de l’industrie automobile.

Concernant Die Linke, la situation n’est pas très différente lorsque le parti est membre d’un gouvernement: son groupe parlementaire du Brandebourg a d’abord dit qu’il soutiendrait la revendication sociale-­démocrate (SPD) d’affaiblissement des objectifs pour la protection du climat ; reste à voir si l’accord passé entre ce groupe parlementaire et la direction du parti, selon lequel il ne saurait y avoir de soutien à des objectifs affaiblissant la protection du climat, sera encore valide après les élections au Parlement fédéral. A ce propos, signalons que ces dernières années, les sondages ont toujours établi qu’une grande majorité de la population était favorable à la sortie du lignite.

Il ne reste donc plus rien d’autre à faire que de maintenir le thème à l’ordre du jour, à travers grandes et petites actions. La prochaine occasion: lors du sommet sur le climat de Bonn (COP 23, du 6 au 17 novembre). En ouverture, un grand week-end d’action se tiendra du 3 au 5 novembre ; plusieurs grandes manifestations et chaînes humaines, une action d’Ende Gelände et un contre-sommet sont annoncés, ainsi qu’un sommet des jeunes pour le climat.

People’s Climate Summit: pcs2017.org