La fonction publique repart au combat - Elle va devoir tenir dans la durée...
Elle va devoir tenir dans la durée…
Le 4 décembre, la fonction publique a débrayé, et 2 000 salarié·e·s sont descendus dans la rue. Un nouveau rassemblement est convoqué le 6 décembre, et une nouvelle grève le 14, pendant que le Grand Conseil débattra du budget. Ce mouvement doit encore s’amplifier et tenir dans la durée s’il entend faire échec à la dégradation des conditions de travail, de salaire et de retraite du personnel, mais aussi des prestations à la population. C’est aussi un premier coup de semonce contre la RIE 3 bis (PF 17).
Assemblée de la fonction publique du 4 décembre 2017 – Demir Sönmez
Le projet de budget 2018 poursuit la contraction des charges, engagée depuis 2005. M. Pierre Béguet, directeur général des finances, a été extrêmement clair sur ce point devant la commission des finances: «Depuis 2005 (!), le canton de Genève est l’un de ceux qui ont la croissance des charges la plus faible». En 2018, les dépenses de la Confédération augmenteront de 2,5 %, celles du Valais de 3,3 %, celles de Vaud de 2,5 %, tandis que celles du canton du bout du lac croîtront de 1,3 % seulement, si l’on fait abstraction de la péréquation financière nationale (RPT), qui porte cette hausse à 1,9 %.
Genève, champion suisse des économies
Sur la base de l’enquête annuelle de l’Institut des hautes études en administration publique (Iheap), PME Magazine de ce mois relève que Genève a été le canton de Suisse «le mieux géré» financièrement en 2016. Il reçoit ainsi la note maximum 6 sur 6 pour sa «couverture des charges», sa «maîtrise des dépenses courantes», sa «part des investissements financés par les recettes propres» et sa «réduction de la dette». Si l’aile non gouvernementale du PLR et l’UDC avait voulu une austérité plus brutale encore, l’organe de presse des petites et moyennes entreprises donne raison au gouvernement: Genève a fait mieux que la Confédération et que les autres cantons en matière de rigueur.
Genève subit une cure d’austérité de longue durée, qui entre de plus en plus en conflit avec les besoins de la population et les droits de ses employé·e·s, consacrés par des règlements et des lois. Nous l’avons répété à maintes reprises: les besoins des usagers et usagères croissent plus vite que la population, car celle-ci vieillit et se précarise. Ce sont des multiplicateurs de la demande de prestations en termes de formation, de santé, de logement social, de prise en charge des aînés, de sécurité, etc. Le canton a-t-il les moyens de répondre à ce défi? Oui, à condition de maintenir, voire de renforcer la progressivité de l’impôt, qui peut en partie compenser les effets du creusement des inégalités de fortunes et de revenus. C’est son rôle.
Ce n’est qu’un début…
Nous assistons au mouvement inverse: plus les inégalités augmentent, plus on nous presse de réduire la pression fiscale sur les bénéfices des grandes sociétés, sur les fortunes des multimillionnaires ou sur les revenus des gros actionnaires. De budget en budget, les prestations à la population et les conditions de travail du personnel de la fonction publique et parapublique se péjorent, selon la tactique du salami. Même si les effets à court terme sont à chaque fois minimisés, l’impact cumulatif est vécu de plus en plus douloureusement. Après des années de ce régime, il faut comprendre l’explosion de colère que nous observons aujourd’hui au sein de la population et du secteur public.
En février 2014, la proposition de Personal Stop du PLR annonçait la couleur. A l’automne, le projet de budget 2015 prédisait une aggravation des attaques à la fonction publique et aux prestations, suscitant une première manifestation de rue massive. Pourquoi un tel tour de vis? Au printemps 2015, un député PLR s’en expliquait: «Si le Conseil d’Etat veut garder l’objectif d’absorber la RIE 3, il va devoir faire un travail plus important au niveau de la maîtrise des charges». A quoi le chef du Département des finances répondait qu’à l’horizon 2019, «l’objectif sera d’avoir la marge de manœuvre suffisante pour absorber cette réforme». Le 18 mai 2015, le PLR lui répond qu’il «attend un signe plus marqué […] au niveau de l’évolution [des charges] sur 2016–2018».
Préparer les batailles à venir
On connaît la suite… Pronostiquant un déficit important des comptes en août 2015, le gouvernement annonçait une véritable purge: passage aux 42 h, réduction des charges salariales de 5 % sur 3 ans, suspension des mécanismes salariaux. La majorité de droite durcissait encore le ton en adoptant Personal Stop. La réponse de la fonction publique et des usagers allait être à la hauteur: 21 000 signatures en 22 jours contre Personal Stop, 7 jours de grèves et des manifestations de rues comme on n’en avait plus vu depuis 20 ans. Le Conseil d’Etat avait perdu une bataille, mais il n’avait pas perdu la guerre. Obligé d’abandonner les grandes orgues de son traitement de choc, il allait se contenter de pianoter la même rengaine en abusant de ses prérogatives en douzièmes provisoires en 2016, avant de multiplier les coupes prétendument «indolores» en 2017.
Le projet de budget 2018 est du même tonneau, malgré un déficit de près de 200 millions. Les économies sur les charges de personnel et les prestations continuent ; les entités parapubliques devront peut-être faire des coupes supplémentaires pour financer la part des mécanismes salariaux qui n’est pas couverte par les subventions de l’Etat. C’est pourquoi, dire non à ce projet de budget est une condition pour résister à la RIE 3 bis (PF 17), pour repousser le prétendu plan de sauvetage de la CPEG (principale caisse de pensions de l’Etat) qui réduit sensiblement le montant et la sécurité des retraites, et pour empêcher la refonte de la grille salariale de l’Etat (Score), qui entend la rendre plus arbitraire, plus inégalitaire et plus opaque. De ce point de vue, le oui du PS et des Verts au Budget 2018 n’est pas de bon augure pour les batailles à venir. Nous ferons tout pour les en convaincre.
Jean Batou