8 mars

8 mars : Appel d'elles - Une campagne intense, loin d'être terminée

Une campagne intense, loin d’être terminée

Le 8 mars 2018, le collectif Appel d’elles remettra au Conseil fédéral une pétition exigeant une protection accrue des femmes et des enfants demandant l’asile en Suisse. La revendication est claire: la Suisse doit prendre en charge l’examen de la procédure d’asile de toutes les personnes qui ont subi des viols et des violences dans leur pays d’origine et/ou sur la route de l’exil.


UNHCR: Eskinder Debebe

Lancé en mars 2017, avec 205 premières signataires par le Collectif R, Viol secours, la Marche mondiale des femmes, Droit de Rester et le Service d’aide juridique aux exilé•e•s (SAJE), l’Appel d’elles s’est d’emblée organisé autour de témoignages de femmes en détresse, réfugiées en Suisse – seules ou avec leurs enfants – , que le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) entendait renvoyer en Italie ou dans un autre pays d’Europe, au nom des accords Dublin.

Près de 7 000 citoyennes et citoyens et plus de quarante associations, syndicats et collectifs de défense des réfugié·e·s demandent aujourd’hui des changements dans la procédure d’asile:

  • Reconnaître les violences faites aux femmes dans leur parcours migratoire comme raison d’entrée en matière immédiate sur leur demande de l’asile, et éradiquer tout discours culpabilisant à leur égard.
  • Prendre en charge systématiquement les femmes et enfants victimes de séquelles physiques et psychologiques dues aux violences subies dans leur pays d’origine et/ou lors de leur parcours migratoire.
  • Arrêter immédiatement les renvois de femmes et d’enfants vers l’Italie ou tout autre pays qui n’est pas en mesure d’assurer leur protection.

Le SEM ne peut pas ignorer les violences extrêmes subies par les personnes qui demandent l’asile ; il doit appliquer plus systématiquement l’article 3 alinéa 2 de la loi sur l’asile qui précise, depuis 1998 déjà, qu’ «il y a lieu de tenir compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes». Il doit aussi prendre en compte le fait internationalement reconnu que les traumatismes consécutifs à un viol empêchent souvent les personnes qui ont vécu un tel acte d’en parler, surtout si rien n’est entrepris pour les amener, en douceur, à raconter leurs souffrances.

Les témoignages publiés entre janvier et mars 2018 sur Facebook, sur le site appeldelles.ch, mais aussi par Le Courrier, et envoyés sous la forme de cartes postales à la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, montrent à l’évidence que la Suisse ne peut pas continuer à prononcer de tels renvois sans violer gravement l’article 3 de la Cour européenne des droits de l’homme (interdiction des mauvais traitements).

Créer de véritables conditions d’accueil

Certes, le SEM s’est doté depuis 2008 d’un manuel intitulé Asile et Retour/Persécutions liées au genre et d’une section spécialisée pour l’écoute de femmes et de personnes LGBT+ qui ont subi des violences spécifiques. Encore faudrait-il créer des conditions d’accueil qui leur permettent de parler des violences souvent extrêmes qu’elles ont vécues. Mais on en est loin.

Le Collectif R (Lausanne), Droit de Rester (Neuchâtel et Fribourg), activement soutenus notamment par la Marche mondiale des femmes, Viol secours et Solidarité sans frontières ont mené tout au long de cette année un travail de terrain remarquable pour protéger des femmes, et parfois des familles entières, désespérées, et profondément angoissées par la perspective d’un renvoi vers un pays synonyme pour elles de maltraitance.

Par des dénonciations pu­bliques, par l’organisation de refuges – parfois clandestins – pour empêcher la police d’exécuter un renvoi violent, les militant·e·s de ces collectifs ont mis en évidence au jour le jour à quel point la loi suisse sur l’asile peut conduire à des actes inhumains: séparation de familles ; renvois de femmes enceintes avec des enfants en bas âge vers une Italie débordée, incapable de les loger, de les nourrir et de les soigner ; renvois de femmes dans un pays où elles ont été violées, où elles n’ont trouvé ni toit, ni aide, ni ressources.

Le 8 mars 2018, la campagne de récolte de signatures pour l’Appel d’elles se terminera par une conférence de presse et une action originale à Berne lors du dépôt officiel à la chancellerie fédérale. Cette première étape aura permis de faire mieux connaître les souffrances violentes qu’une application étroite de la loi sur l’asile ajoute à la détresse de personnes qui ont déjà derrière elles un parcours douloureux. La diversité des soutiens, du prix Nobel de physique 2017 aux artistes, étudiant·e·s, parlementaires, élu·e·s d’exécutifs, médecins, paysan·ne·s, enseignant·e·s, employé·e·s dans le social, etc., mais aussi les messages forts ajoutés par nombre de signataires pour rendre compte des raisons qui les ont amenés à soutenir l’Appel d’elles donnent un signal encourageant pour toutes celles et ceux qui tirent de cette année de solidarité active la conclusion qu’il y a urgence à continuer cette campagne, à ne rien lâcher.

Marianne Ebel