Le secteur de la construction, prêt à en découdre

La convention nationale de la construction arrive à échéance à la fin de l’année 2018. Elle est de force obligatoire et s’applique à 80 000 ouvriers et ouvrières en Suisse. Ce texte est l’un des piliers des acquis syndicaux dans ce pays. Les négociations entre les parties dureront jusqu’à l’été.

Gustave Deghilage

Les revendications de la société suisse des entrepreneurs (SSE) s’apparentent clairement à un démantèlement des conditions de travail du secteur. Dans le détail: augmentation de la flexibilité horaire en passant à la semaine de 50 heures, «réévaluation» des salaires des travailleurs·euses jugés moins «rentables» (traduit en langage commun par une baisse de salaires des plus âgés), et diminution des prestations liées au versement de la retraite anticipée. Sur ce dernier point, la SSE a détaillé sa position. Pour faire face aux difficultés liées à l’arrivée des baby-boomers à la retraite de la fondation FAR, l’organe chargé d’encaisser les cotisations et de verser les rentes anticipées, leur proposition est soit de diminuer les rentes de 30 %, soit d’augmenter l’âge de départ à la retraite à 62 ans. Des revendications inacceptables, qui s’attaquent à des conquêtes syndicales obtenues de haute lutte et qu’il est exclu de brader!

Toujours plus vite, toujours plus haut

De plus, ces revendications surviennent dans un contexte socio-économique qui contribue à tendre les fronts et augmenter la gronde sur les chantiers. Cela fait maintenant quatre ans qu’aucune augmentation de salaire généralisée n’a été octroyée par la SSE, faisant chuter le pouvoir d’achat des travailleurs et des travailleuses de manière vertigineuse. Cela dans un cadre où le volume total de la construction en Suisse a augmenté de 30 % en dix ans tandis que les effectifs ont baissé d’environ 5 % sur la même durée. Cela a généré de confortables marges de profit aux entreprises de la construction.

Lutter contre le travail temporaire, avec les temporaires

Enfin, ce renouvellement intervient alors même que le nombre de travailleurs et de travailleuses intérimaires engagés dans la construction atteint des pics inimaginables. Si la précarité de tels contrats n’est plus à démontrer, ces derniers induisent également un nouveau type de «mise en concurrence»: les temporaires étant mis sous une pression folle afin de «prouver» qu’ils ont leur place sur un chantier, faisant exploser leur compteur d’heures. Cette concurrence a pour effet la fragilisation de la solidarité entre collègues sur un même chantier, rendant plus nécessaire que jamais un travail syndical en profondeur visant à améliorer le sort des intérimaires.

Des mesures de lutte inévitables

La position d’Unia est claire: aucun démantèlement des conditions actuelles n’est envisageable. Une hausse du pouvoir d’achat ainsi qu’une meilleure protection des intérimaires, via par exemple une limitation du nombre de temporaires engagés par chantier ou par entreprise locataire, s’imposent. Unia consulte actuellement les ouvriers et les ouvrières sur tous les chantiers du pays sur les mesures de lutte. Trois moments forts viendront jalonner cette année de bagarre syndicale: le 1e mai, la manifestation nationale de la construction le 23 juin, et si aucun accord entre les parties n’a été trouvé d’ici là, des journées de grève à l’automne. C’est la dignité des travailleurs et des travailleuses de la construction, dont la pénibilité du métier est extrême, qui en dépend.

Maurizio Colella
Secrétaire syndical Unia