Iraq, entre espoir et méfiance
En Iraq, les premières élections organisées après la défaite de l’État islamique à Mossoul ont vu la victoire d’une alliance entre Moqtada Sadr et le parti communiste. De quoi susciter des espoirs modérés.
Les élections législatives de mai ont permis un large renouvellement du Parlement iraqien. Avec 215 nouveaux députés sur 329, de nombreuses personnalités inamovibles depuis la chute de Saddam Hussein ont perdu leur siège.
La Marche pour les réformes, alliance entre le clerc chiite Sadr et les communistes, est arrivée en tête du scrutin, Elle devance la liste de l’Alliance du Fateh, versant politique des Hachg al-Chaabi (Mobilisations populaires), milices fondamentalistes chiites soutenues par l’Iran. Le Premier ministre sortant Haider al-Abadi, seul candidat à faire consensus entre les États-Unis et l’Iran, occupe la troisième place.
Deux raisons principales expliquent cette victoire. La première est la désaffection des classes populaires et leur ras-le-bol du système. Les élections n’ont mobilisé que 44,5 % des électeurs·trices, la plus basse participation depuis 2003. La deuxième est le rejet de la corruption et de la classe politique. La Marche pour les réformes a capitalisé sur les manifestations populaires massives contre le système politique confessionnel, la corruption et les inégalités économiques (voir solidaritéS nº 272). Les partisans de Sadr ont rejoint ces manifestations à leurs débuts.
Le secrétaire général du Parti communiste iraqien, Raid Jahid Fahmi, a expliqué qu’en préparation des élections, son parti et les sadristes avaient convenu de se concentrer sur des questions consensuelles: combattre le chômage et la corruption et s’opposer aux influences extérieures. Les deux acteurs ont laissé de côté les questions conflictuelles comme les droits des femmes ou la laïcité.
Concernant les ingérences étrangères, Moqtada Sadr a plusieurs fois affirmé la nécessité de la pleine souveraineté politique de l’Iraq, tenant des positions fermes à l’égard de l’Iran. Même si, le jour de l’annonce des résultats, il a appelé ses partisan·ne·s à abandonner les slogans hostiles à Téhéran.
L’Iran exerce une influence politique, militaire et économique considérable dans le pays, et voit d’un mauvais œil la victoire de cette alliance menée par Sadr. En février dernier, Ali Akbar Velayati, le plus proche conseiller de l’ayatollah Ali Khamenei, déclarait: «Nous ne laisserons pas les libéraux et les communistes gouverner l’Irak».
Reste que Sadr ne conteste pas le système politique confessionnel et néolibéral iraqien, mais cherche une place pour lui et son mouvement. Il a entamé des discussions pour la formation d’un gouvernement «technocrate» avec le premier ministre sortant Abadi et d’autres personnalités politiques issues du système.
L’espoir réside donc moins dans la victoire de l’alliance électorale menée par Sadr que dans les contestations populaires continues contre le système politique confessionnel et les politiques néolibérales des derniers gouvernements.
Joseph Daher