Une position antiraciste sur la problématique de la drogue
Le 5 juin, suite aux propos tenus sur le «deal de rue», la municipalité de Lausanne a annoncé un renforcement de la présence policière au centre-ville. Les conséquences de cette politique raciste et répressive se font déjà sentir.
«Trois semaines de discours et de réactions dans les médias à propos du deal de rue, chaque fois présenté dans les journaux avec des images d’hommes noirs […]. Une intensification des contrôles au faciès par la police de Lausanne dans les rues depuis deux semaines… Des menaces faites par des agents de police envers des personnes migrantes dans les rues, disant que vendredi aucun Noir ne pourra dormir dans cette ville…».
Ces propos publiés sur la page Facebook du collectif Jean Dutoit – composé principalement de personnes migrantes d’Afrique subsaharienne – montrent que les discours négrophobes ont des conséquences directes sur les personnes qu’ils visent. La polémique déclenchée le mois dernier par le cinéaste Fernand Melgar s’inscrit d’ailleurs dans un contexte de violences policières accrues en Suisse romande.
Ces discours n’apportent aucune solution au problème de la consommation de drogues. Ils exacerbent le sentiment d’insécurité que génère la présence d’hommes noirs dans l’espace public, sentiment déjà réveillé par le récent débat sur le «harcèlement de rue» et les mesures qui y ont fait suite. Ils sont fondés sur la déshumanisation d’une catégorie de la population, ouvrant la porte à davantage de violences à son égard.
Les propos tenus par M. Melgar renforcent la division entre un eux et un nous, qui n’est pourtant pas celle qu’il relève. Cette division n’oppose pas les «dealers» à «nos enfants», mais elle introduit une hiérarchie entre la vie des personnes blanches, plus estimée, et celle des personnes noires. Son discours, qui cible les hommes noirs qui connaitraient «une disette sexuelle», qui auraient «un fort potentiel d’être porteurs du VIH» et qui représenteraient un danger pour la «salubrité publique», appelle à davantage de répression policière et légitime toutes les formes de racisme à leur égard.
Notons que les violences policières racistes sont le dernier maillon d’une longue chaîne de politiques migratoires racistes appliquées par la Confédération et l’UE, qui ont vu la mort de 3200 personnes en Méditerranée en 2017, des familles déchirées par les renvois Dublin, et qui engendrent l’exploitation de milliers de migrant·e·s en Europe.
Reposer la question de la drogue
Pour sortir d’un débat faussé d’avance et apporter de réelles solutions au problème de la consommation de drogues, celle-ci doit être traitée comme une question de santé publique à part entière, sans lien avec la question migratoire et la présence ou l’absence de personnes ayant émigré.
Le renforcement de la présence policière est partie prenante du problème. Sortir du cadre de ce débat implique de refuser la répression dans la mesure où celle-ci participe du problème qu’elle prétend résoudre. Cette posture implique aussi de s’opposer au pillage des pays du Sud par les pays du Nord, qui conduit leurs populations à fuir le pays dans des conditions inhumaines ; de lutter pour l’ouverture des frontières afin de mettre fin aux meurtres de masse en Méditerranée ; et de revendiquer l’accès à l’emploi et à la santé pour permettre une vie digne à toutes et tous.
Tant qu’on ne dissociera pas les dangers de la consommation de la drogue des perceptions et des politiques racistes, aucune issue favorable ne sera possible. Il n’y a pas de réponse à la consommation de drogues qui ne soit pas antiraciste. AE DD
«Entre nous pas de frontières»
Des milliers de personnes contre les renvois et pour la régularisation des sans-papiers
Cette année, la manifestation organisée par Solidarité sans frontières à Berne a mobilisé quelque 5000 personnes. De nombreux bus avaient été affrétés afin que les migrant·e·s en situation précaire puissent participer. Malgré les contraintes liées à leur situation de séjour, des personnes érythréennes, éthiopiennes ou afghanes étaient nombreuses.
Soutenus par une soixantaine de collectifs, associations et organisations politiques dont solidaritéS, les manifestant·e·s ont formulé des revendications larges: fermeture des centres de détention de migrant·e·s, scolarisation de tous les enfants, régularisation collective des sans-papiers, suppression du permis F, des statuts précaires et indignes, ou encore suspension des renvois dans le cadre des accords de Dublin.
C’était aussi l’occasion pour les premiers et premières concernés de prendre la parole: un Afghan au bénéfice d’un permis F a parlé de sa situation qui l’empêchait de voir sa femme et ses enfants assignés en Allemagne ; un Éthiopien a conté une histoire vécue «de la Libye à Lampedusa». Après le cortège, sur la place Fédérale, il y a eu des interventions en farsi et en tigrinya, avant que la manifestation ne se termine avec des concerts. Réd