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BD : Féminisme à BDFil

Le 15 septembre, le festival lausannois BDFil organisait une table ronde sur la bande dessinée et le féminisme. Retour sur cet échange.

« J’en ai marre d’être invitée pour parler de féminisme ou de sexualité, je me réjouis qu’un jour mon travail soit assez fort pour suffire… » exprime Louiza. Illustratrice, c’est l’une des quatre intervenantes d’une table ronde organisée par BDFil et portant sur la bande dessinée féministe. Au vu du nombre croissant d’ouvrages sur le sujet, on en déduit que le féminisme est à la mode dans le monde de l’édition. Mais cet intérêt s’accompagne-t-il d’un changement dans les structures éditoriales, souvent empreintes de représentations et d’attitudes sexistes?

Face à la salle comble, Louiza et les autrices Diglee, Oriane Lassu et Mirion Malle nous livrent leur perspective. Diglee explique avoir été confrontée aux limites sexistes des éditeurs: « Vous n’avez pas compris, ce n’est pas un livre à message, il ne faut pas dessiner une héroïne si grosse ». Visiblement, il y a les œuvres « féministes » et les autres, qui restent empreintes de stéréotypes.

Les autrices invitées sont parmi celles que l’on qualifie de « féministes ». Leur travail est non seulement génial, mais aussi politisé et documenté. Les BD de Mirion Malle font écho à son travail militant. Son blog « Commando Culotte » regorge de notes qui décortiquent des films et des séries sous l’angle du genre et vulgarisent des concepts complexes avec brio et humour. Elle explique par exemple comment les médias véhiculent la culture du viol et cantonnent des femmes à des rôles inférieurs. Oriane Lassu s’attaque au tabou que constitue encore le fait de ne pas vouloir d’enfants et Diglee publie une BD-Manifeste « pour s’affranchir des diktats sexuels ». Ces trois autrices font partie du Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme, créé en 2015 en réaction à un monde dans lequel le travail des femmes, souvent disqualifié, fait face à de nombreux préjugés. Aujourd’hui, le Collectif compte plus de 250 membres et lutte pour une littérature égalitaire.

Leur objectif: que le travail des femmes suffise à faire l’objet d’une invitation, que toutes les histoires soient créées à partir d’une base non sexiste. Le travail de l’autrice Reine Dibussi va dans ce sens en proposant une BD jeunesse qui met en valeur des héroïnes ne répondant pas aux normes habituelles de genre. Mais le but du Collectif est encore loin d’être atteint, ce qui nous assure que le féminisme a de beaux jours devant lui.

Laura Gönczy et Manon Zecca