RFFA et la jungle fiscale helvétique
Une publication du Crédit Suisse révèle la furieuse concurrence fiscale que les cantons se livrent avec RFFA pour offrir des conditions plus avantageuses aux entreprises*. Elle montre que d’autres facteurs jouent aussi un rôle déterminant.
Couverture de la brochure du Crédit Suisse
À L’horizon 2025, le Crédit Suisse estime que la troisième réforme de l’imposition des entreprises aura transformé l’attractivité comparée des cantons suisses pour le monde des affaires. De façon générale, la compétition intercantonale va se renforcer, conduisant à une moindre attractivité de la Suisse centrale, tandis que les principaux champions de la mondialisation industrielle et financière conforteraient leur position dominante. Dans le peloton de tête, alors que Zoug, Zurich, l’Argovie et Bâle-Ville ouvrent aujourd’hui la marche, Bâle-Ville s’installerait à la seconde place devant Zurich, tandis que Genève (aujourd’hui à la 13e place) ravirait la 4e place à l’Argovie, reléguée dès lors à la 6e place.
Les atouts non fiscaux
Cette étude montre que la concurrence fiscale doit être tempérée par d’autres facteurs comme la disponibilité de travailleurs·euses hautement qualifié·e·s et l’accessibilité de la population et de la main-d’œuvre (réseau de transports, aéroports, etc.). En tenant compte de ces éléments, le Crédit Suisse calcule un « Indice de la qualité de la localisation » depuis 1993. Celui-ci montre que les baisses successives de l’imposition des entreprises ont fait gagner six places au canton de Neuchâtel, de 2013 à 2018, mais qu’il se situera malgré tout au 20e rang des cantons et demi-cantons suisses en 2025, compte tenu des handicaps qu’il cumule sur d’autres plans. De même, Fribourg passera de la 23e à la 19e place, en dépit de la baisse massive annoncée de l’imposition de ses sociétés.
Dans l’Arc lémanique, bien qu’étant le meilleur élève politique de la réforme avec son rôle pionnier et sa baisse massive du taux, le canton de Vaud ne progresserait que de la 17e à la 13e place à l’horizon 2025. Il serait ainsi, plus encore qu’aujourd’hui, distancé par Genève, malgré un taux d’imposition des bénéfices équivalent (13,79%). Bondissant de la 13e à la 4e place, le canton du bout du lac se situerait dès lors neuf rangs au-dessus de son grand voisin (au lieu de quatre, aujourd’hui).
La parité fiscale avec le canton de Vaud conférerait un net avantage à Genève, qui dispose de bien d’autres atouts, tandis que la mise en service du CEVA (liaison ferroviaire reliant Cornavin et la France voisine) lui donnerait une impulsion supplémentaire en termes d’accessibilité. C’est pourquoi, si la droite genevoise ne jouait pas à fond la carte du dumping, elle pourrait évidemment se contenter d’un taux d’imposition de 16%, fiscalement neutre.
Jean Batou
* Burkhard Vanholt et Oliver Adler, Qualité de la localisation 2025: Perspectives après la réforme fiscale, Crédit suisse, novembre 2018.