La jeunesse pour le climat

La « grève du climat » a rencontré un succès impressionnant avec plus de 22 000 jeunes mobilisé·e·s dans plus d’une quinzaine de villes à travers le pays. Dans ce cadre, nous nous sommes entretenu·e·s avec Nora, en quatrième année au Collège Voltaire à Genève, qui a pris activement part à l’organisation de la mobilisation.


5000 jeunes à Genève

5000 personnes dans la rue, c’est un succès impressionnant.

En effet, c’était impressionnant. Je ne m’attendais pas à autant de monde et autant de ferveur. D’autant plus que tout a été organisé en moins de deux semaines. Le mot d’ordre s’est répandu dans les écoles de bouche à oreille et via les réseaux sociaux. Des petits groupes se sont mobilisés dans chaque établissement et une coordination administrative pour l’ensemble du canton a été mise en place. C’est un mouvement très horizontal.

Pourquoi un mouvement des jeunes pour le climat?

Nous ne faisions pas grève contre nos enseignant·e·s mais contre le gouvernement et son inaction face à la crise climatique. L’éducation permet de former la relève pour l’avenir. Nous avons voulu montrer la contradiction en refusant de collaborer à la construction d’un avenir dont le gouvernement ne se soucie pas, puisqu’il ne tient pas ses engagements au niveau environnemental.

Pour nous, c’était important de dire qu’on ne baisse pas les bras, qu’on se préoccupe de notre avenir et de celui des générations à venir. C’est important de montrer qu’on n’est pas juste les fruits de la société de consommation, mais qu’on a aussi une conscience politique et éthique.

Les jeunes qui se sont mobilisé·e·s n’ont pas le droit de vote ou viennent de l’obtenir. Les représentant·e·s politiques, ce ne sont pas nous qui les avons élu·e·s, mais c’est nous qui allons faire les frais de leur déni. Il est nécessaire que tout le monde se mobilise pour le climat, et c’est particulièrement génial que la jeunesse se rende compte de sa force et de son énergie.

Quel impact cette mobilisation va avoir sur les jeunes à ton avis?

Elle a permis de faire l’expérience d’une large mobilisation. Il y a une volonté de changer les choses, mais on ne sait pas toujours vers qui ou quoi se tourner. La question environnementale est présente chez les jeunes, mais elle est souvent séparée des questions politiques et économiques. Grâce à cette mobilisation, on a pu débattre du fait que la crise climatique ne vient pas de nulle part: c’est le résultat de notre système capitaliste. On ne peut pas se contenter d’économiser l’eau ou de se déplacer à vélo, il faut agir en profondeur sur la société. Actuellement, le mouvement revendique des réformes à l’intérieur du système. Mais nous avons prévenu que si ça ne fonctionne pas, il faudra changer le système.

La grève a donc été l’occasion de politiser les plus jeunes et de montrer que les questions politiques, sociales et économiques sont liées à la question environnementale. On entend beaucoup parler de la fonte des glaces, mais ça reste quelque chose de lointain voire d’abstrait. Il faut prendre conscience que les conséquences du réchauffement climatique sont l’expression d’un mode de vie, ce n’est pas quelque chose de lointain.

Quelles perspectives pour ce mouvement?

Nous nous sommes organisé·e·s très rapidement et spontanément ; nous n’avons pas encore eu le temps de réfléchir à la suite. Il y aura une réunion prochainement pour en discuter. Mais c’est clair que ce n’est qu’un premier pas: il faut continuer à politiser et sensibiliser les jeunes. Il faut aussi réveiller les vieux, même si c’est difficile de réveiller quelqu’un qui fait semblant de dormir.

Personnellement, j’espère que les actions de désobéissance civile vont se multiplier à l’avenir. Soit nous obtiendrons la réponse attendue, soit la répression lèvera le voile sur le fonctionnement de l’État. Nous aimerions aussi travailler avec les enseignant·e·s pour rendre leurs cours plus actuels et permettre une vraie sensibilisation à la crise environnementale au sein des écoles.

L’ampleur de la mobilisation peut aussi encourager les élèves à continuer à se mobiliser et se politiser par eux/elles-mêmes. Nous avons un rôle à jouer: faire entendre notre voix est nécessaire, car les mesures ne vont pas se prendre toutes seules. Nous sommes plus directement concerné·e·s que le ou la politicien·ne qui a plus de 60 ans et qui ne sera plus là dans 30 ans.

Quelque chose à ajouter?

Nous sommes une espèce en plein développement social et ça serait vraiment dommage de s’arrêter là. Il y a tellement de choses qui se passent, qui changent. On soulève continuellement de nouvelles questions sociales. Ce serait dommage de ne pas se donner la chance de construire un monde meilleur pour tout le monde simplement parce qu’on n’est pas capables de s’unir et de lutter tou·te·s ensemble. Il faut réaliser que nous faisons partie de quelque chose de plus grand. Seul·e, on est totalement insignifiant·e, mais toutes et tous ensemble on peut aspirer à un peu d’égalité. Alors soulevons-nous!

Propos recueillis pour solidaritéS par Jean Bürgermeister


Et soudain… la grève climatique

 Vendredi 18 janvier, dans les établissements scolaires du canton de Genève, ce n’est pas une journée comme les autres. Aujourd’hui, c’est «grève climatique»! Voilà deux semaines que des étudiant·e·s se voient et préparent cet événement.

Dans les collèges, la matinée se déroule entre débats, conférences de spécialistes du climat, atelier «création de pancartes» pour la manifestation de l’après-midi, postes et jeux de sensibilisation, film, etc.

À 13 h 45, gymnasien·ne·s, apprenti·e·s et élèves du secondaire 1 arrivent des quatre coins du canton et entrent dans le parc des Bastions pour la manifestation. Les premiers discours commencent. Les gens écoutent, discutent, rient et lisent les multiples pancartes. Soudain, le cortège démarre. Des milliers d’étudiant·e·s sortent du parc. On entend La Rage du peuple de Keny Arkana. Deux fumigènes verts sont allumés. C’est magnifique! 5000 jeunes descendent dans les Rues basses en criant des slogans sur l’urgence climatique. Pour la majorité, c’est la première fois qu’ils et elles font acte de désobéissance civile.

Toute la marche se fait dans la joie et la bonne humeur. Musique, chants, sits-in et discours sont au rendez-vous jusqu’à la place des Nations. Cette après-midi-là restera mythique. Elle marque le début d’un mouvement étudiant important, car ce n’est pas fini! Une nouvelle manifestation est prévue le 2 février.

Loic Cornaglia (Collège Voltaire)