Quand la jeunesse renoue avec l'anticapitalisme


Manif climat Lausanne – Jules Gogniat

Pas de doute, le mouvement a pris une ampleur inédite. La «marche pour le climat» à l’automne 2018 en a été le signe avant-coureur: plus de 7000 personnes dans les rues de Genève en provenance de toute la Suisse, contre seulement 500 en 2017. Une mobilisation sans précédent, qui a rassemblé des jeunes, voire des très jeunes, et de nombreuses femmes*, réuni·e·s à l’appel d’organisations nouvelles, venues d’en bas.

Certes, le discours du «capitalisme vert» et des solutions par «petites actions individuelles» dominait encore, empêchant la percée d’une mise en cause globale du système actuel. Mais une part toujours plus importante de la population semblait réaliser qu’on ne pouvait déléguer aux générations futures la lutte pour le climat et que c’était ici et maintenant que la bataille devait être menée.

Si la mobilisation de ces dernières semaines des collégien·ne·s, apprenti·e·s, gymnasien·ne·s et étudiant·e·s s’inscrit dans la montée en puissance des mobilisations pour le climat, elle franchit une étape supplémentaire et indispensable vers la prise de conscience de l’urgence climatique. Le constat est sans appel: le système politico-économique dans lequel nous vivons a failli, puisque l’impact de l’activité humaine sur le climatest un phénomène connu de longue date mais qu’aucune solution crédible n’a pu être articulée.

«On nous vole notre avenir» est la conclusion amère à laquelle ces jeunes sont parvenu·e·s en observant les échecs successifs des politiques environnementales. Dès lors, la mobilisation s’est saisie des armes de la désobéissance civile, comme la grève étudiante en Suisse et le détournement de panneaux publicitaires en Belgique. Cette génération (re)découvre les instruments de mobilisation par en bas, profondément démocratiques, touchant par capillarité les grands centres et les petites villes et inventant de nouveaux modes d’action capables d’élargir le cercle de celles et ceux qui se sentent concerné·e·s.

Certes, la mobilisation s’affiche comme apartisane, mélange de méfiance profonde envers les partis politiques et de volonté qu’aucune organisation ne puisse récupérer le mouvement en construction. Mais les manifestant·e·s posent des revendications aux couleurs anticapitalistes. L’objectif ambitieux de zéro émissions nettes de gaz à effet de serre en Suisse d’ici 2030 – sans technique de compensation issue de la géoingénierie – s’accompagne de cet ultimatum: «Dans le cas où il serait impossible d’accéder à ces revendications dans le système actuel, un changement de système est nécessaire pour surmonter cette crise. Nous ne pouvons laisser de barrières systémiques entraver la mise en place d’un plan climatique adéquat» (climatestrike.ch). Il s’agit là d’une occasion extrêmement importante pour les mouvements anticapitalistes comme solidaritéS de dialoguer avec cette volonté de rupture et d’œuvrer au sein des associations, des syndicats et des mouvements sociaux pour élargir ce front.

Le rendez-vous est pris: le 15 mars, nous serons dans la rue pour la justice climatique et la justice sociale!

Florian Martenot