De l'Espagne à la Suisse

GRÈVES DES FEMMES ET ÉCOFÉMINISME

Yayo Herrero est anthropologue, ingénieure, enseignante et activiste écoféministe espagnole. C’est l’une des chercheuses les plus influentes du milieu écologiste, écoféministe et écosocialiste au niveau européen. Elle a été une référence et s’est fortement impliquée lors des deux dernières grèves féministes dans l’État espagnol.

Grève pour le climat, Sydney, mars 2019. Photo: Earthtoeyes

Grève pour le climat, Sydney, mars 2019. Photo: Earthtoeyes

Invitée en Suisse par solidaritéS, elle donnera les 11 et 12 juin deux conférences sur le thème « L’écoféminisme, un outil pour changer le monde », dans la perspective de la grève féministe/grève des femmes* du vendredi 14 juin 2019, à laquelle elle prendra également part. Nous lui avons posé deux questions.

Pourquoi l’écoféminisme est-il pour toi un outil nécessaire pour changer le monde? Parce que cela permet une analyse matérielle complète. Il donne une meilleure compréhension des processus permettant de soutenir une vie digne et fournit les lignes directrices pour réorganiser les métabolismes sociaux. Il ne s’agit pas seulement de redistribuer les richesses, mais également de délimiter ce qui peut être produit, avec quelles ressources matérielles et comment répartir l’excédent, mais aussi de réfléchir à la nécessité de partager les obligations qu’impliquent, pour les humains, les faits d’avoir un corps et d’être une espèce.

Les écoféminismes éclairent les fonctions, les emplois et les personnes généralement invisibles et subordonnées, et soulignent la nécessité de leur donner valeur et priorité si nous voulons espérer que la vie humaine puisse être maintenue telle que nous la connaissons.

Comment l’écoféminisme a-t-il abordé les deux grandes grèves féministes de 2018 et 2019 dans l’État espagnol? Nous, les femmes écologistes, avons participé à tous les aspects de ces grèves. D’un côté, nous contribuons à la critique faite par le mouvement au capitalisme hétéropatriarcal, montrant l’invisibilité des processus de soutien quotidien et générationnel à la vie humaine, et mettant en évidence le caractère irréversible évident d’une croissance sans limites sur une planète qui en a, et qui traverse une profonde crise de l’énergie, des matériaux et du climat.

Nous attirons l’attention sur la nécessité d’une transformation radicale, sur les liens existant entre ce modèle, l’extractivisme, le pillage et la violation des droits de nombreuses personnes, en particulier des femmes, sur les territoires des pays du Sud.

Nous aidons à comprendre, à travers l’outil de la grève du consumérisme, que ni la sororité, ni la construction d’un mouvement internationaliste féministe ne sont possibles sans renverser le mode de production, de distribution et de consommation et sans remettre en question les multiples violences qu’il cause.

Devant l’urgence écologique et sociale, nous affirmons que le système prônant la domination de la nature est le même que celui prônant la domination des femmes, et que la révolution écologiste sera féministe ou ne sera pas.