L'eau, un bien public pour la DDC?

Les relations de la Direction du développement et de la coopération avec les grandes multinationales de l’eau redorent le blason de celles-ci tout en poursuivant des stratégies d’accaparement privé de l’eau sous la forme de partenariats publics-privés.

DDC

 La DDC, organe de politique étrangère de la Suisse, affirme sur son site Internet que « les investissements privés ont un impact déterminant sur le développement des pays moins avancés ou émergents. En s’alliant stratégiquement avec des partenaires privés, la DDC accède à des compétences et des ressources à même d’augmenter son effet sur le développement ». Concernant l’accès à l’eau, qui sont donc ces partenaires?

Avec qui travaille la DDC?

La DDC est présente dans divers forums, en particulier le Swiss Water Partnership (SWP), dont le secrétariat est tenu par Helvetas. Cette association regroupe de nombreux acteurs de l’eau en Suisse. Des entreprises actives dans tous les domaines de l’eau, des ONG telles que Alliance Sud, (Caritas, EPER, Helvetas, Swissaid), le département de l’agriculture, le SECO, la DDC, des universités et… des multinationales, en particulier Nestlé. Le rôle de SWP est de « favoriser le développement de l’accès à l’eau dans toutes les parties du monde et la collaboration entre les acteurs privés, publics et la société civile ». Sans définir exactement ce qu’elle entend par partenariats publics-privés dans le domaine de l’eau, la DDC s’engage à les promouvoir. Une collaboration avec des start-up ou des PME aptes à apporter des solutions technologiques nouvelles? Ou mettre en main privées la distribution de l’eau ou son assainissement? Ou rendre accessibles aux investisseurs les ressources en eau pour la mettre en bouteilles? Ou les trois?

Le fait que de grandes ONG siègent également dans ce cénacle nous interroge. Sont-elles aussi partisanes de ces partenariats publics-privés? Le fait de côtoyer Nestlé par exemple leur laisse-t-il la liberté de dénoncer ses méfaits à Vittel ou au Brésil?

La DDC est aussi membre du Water Resource Group, crée par Nestlé, dont le site est sur celui du World Bank Group, affilié à la Banque Mondiale! Ce groupe, sous couvert d’aide et d’accès à l’eau appuie les partenariats publics-privés pour « développer » ce secteur. Mais pas un mot sur des partenariats publics-publics! Si l’on se penche sur quels sont les organismes représentés dans ses instances dirigeantes et qui sont les membres du Conseil d’administration ou du comité directeur, l’image se précise: à coté de quelques représentants étatiques et d’ONG, on trouve le directeur de Nestlé, la World Bank Group, Pepsi-Cola, le World Economic Forum, Coca-Cola, DOW (entreprise chimique produisant du plastique et ayant produit du Napalm) et… la DDC, qui a financé cette structure à hauteur de 3 416 000 francs pour les années 2014 à 2016!

En matière d’investissements privés dans le domaine de la distribution de l’eau, les populations d’Atlanta, Accra, Berlin, Buenos Aires, La Paz et Paris ont vu la qualité de leur eau diminuer et son prix exploser, tant et si bien que ces services ont été remis en mains publiques.

Partenariats publics ou privés?

Travailler avec des start-ups suisses ou des PME qui produisent des technologies innovantes pour permettre un accès à l’eau dans des pays du Sud est une chose qui peut se comprendre. Mais travailler et siéger avec des multinationales qui affirment clairement que l’eau est une marchandise et doit être traitée comme telle est inquiétant. De nombreuses organisations syndicales, politiques et non-gouvernementales ont d’ailleurs demandé à la DDC de ne plus soutenir financièrement des partenariats publics-privés et d’octroyer ce soutien et ces compétences aux systèmes publics sur le modèle suisse et ainsi consolider le contrôle démocratique sur l’eau en tant que bien public. On peut s’étonner qu’aucune des grandes organisations membre d’Alliance Sud ne soit signataire de cette lettre.

La Suisse, ses services industriels et ses communes disposent d’une grande expertise dans la gestion de l’eau. Elle pourrait la transmettre en participant au développement d’infrastructures publiques ailleurs et rejoindre la plateforme nationale Solidar’eau Suisse, qui met en place avec succès des partenariats publics-publics entre les différentes municipalités. Un acte de solidarité sans profits.

Claire Magnin