États-Unis
Renaissance du mouvement anti-guerre
Des milliers d’États-unien·ne·s sont descendu·e·s dans les rues pour protester contre l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani ordonné par Donald Trump.

Pendant une semaine, des marches et des manifestations anti-guerre ont eu lieu dans environ 100 villes, impliquant des centaines de personnes dans les grandes villes comme New York et Los Angeles et des dizaines dans des villes plus petites. Les manifestant·e·s ont condamné le meurtre par les US de Soleimani, ont appelé les États-Unis à quitter l’Irak et tout le Moyen-Orient, et se sont opposés à une guerre contre l’Iran.
Dans de nombreux endroits, ce sont les premières manifestations anti-guerre qui surgissent depuis le puissant mouvement du début des années 2000 qui s’était levé contre les guerres de George W. Bush en Irak et en Afghanistan. Au cours de ces années, des centaines de milliers d’États-unien·ne·s et des millions de personnes à travers le monde avaient participé à d’énormes rassemblements et manifestations, dédaigneusement ignorés par le gouvernement Bush.
Les années Obama : un espoir déçu
La victoire de Barack Obama à la présidentielle de 2008 était due en partie à son discours lors d’un rassemblement anti-guerre à Chicago en 2003. Elle a représenté un espoir pour les militant·e·s anti-guerre qui se sont retirés de la rue croyant qu’Obama mettrait fin aux guerres. Un espoir déçu : Obama n’a jamais mis fin aux guerres et n’a jamais retiré complètement les troupes états-uniennes de l’un ou de l’autre pays. Pourtant, le mouvement anti-guerre n’a pas su renaître et a paru disparaître.
La direction du mouvement anti-guerre des années Bush était divisée en trois grands volets : les pacifistes religieux avec les progressistes, la gauche internationaliste et la gauche « campiste », c’est-à-dire les partisan·e·s des gouvernements iraniens, syriens et russes (voir encart). Lorsque le mouvement anti-guerre a décliné, les dirigeant·e·s se sont divisés, entraînant un nouvel affaiblissement de la base. Ainsi, après la récente attaque de Trump à Bagdad, le mouvement manquait de leadership et de structure. Les Democratic Socialists of America (DSA), avec 60000 membres répartis dans tous les États et les grandes villes, ont alors pris le relais.
DSA et sa politique internationaliste, allié de la coalition ANSWER (un groupe campiste) et de petits mouvements indépendants, ont été les premiers à appeler aux manifestations anti-guerre. Dans la plupart des endroits, les gens se sont présentés, peu importe le nom du groupe qui appelait à la manifestation. Toutefois, dans certains lieux, des manifestations distinctes et concurrentes ont eu lieu. Compte tenu de l’énormité de la menace qui pèse sur les peuples du monde, les manifestations récentes étaient somme toute assez modestes, avec cependant quelques signes d’un possible réveil.
Les défis de la reconstruction du mouvement anti-guerre
La vague de protestations apparue en janvier est un signe d’espoir, mais il existe plusieurs obstacles à la reconstruction d’un mouvement anti-guerre. La première est qu’après l’assassinat de Soleimani et la réponse iranienne par le bombardement des bases américaines en Irak, Trump a fait machine arrière, évitant une confrontation immédiate et violente mais annonçant de nouvelles sanctions économiques contre l’Iran. Bien qu’il s’agisse d’une forme de guerre économique, elle suscitera peu de nouvelles manifestations.
De plus, la guerre n’est pas une priorité absolue pour les électeurs·trices états-unien·ne·s. Et l’attention des progressistes se concentre sur la destitution de Trump, la primaire du Parti démocrate et les prochaines élections nationales de novembre. De leur côté, comme ils·elles l’avaient fait avec Obama, la plupart des électeurs·trices de gauche ont placé leurs espoirs dans Sanders, Warren ou un·e autre démocrate pour vaincre Trump et changer les priorités politiques états-uniennes, notamment mettre fin aux guerres dans le Moyen-Orient.
Bernie Sanders s’est en effet prononcé contre l’attaque de Trump mais il n’a pas utilisé son autorité pour appeler à des manifestations anti-guerre. Force est de constater aussi que la campagne Sanders et les primaires démocrates aspirent l’énergie militante, privant les mouvements sociaux de nombreuses chances de renaissance en ce moment. DSA, le plus grand groupe de gauche, peut jouer un rôle important dans la création d’un nouveau mouvement anti-guerre, à la condition qu’il n’affirme pas que Sanders saura résoudre tous les problèmes.
Si le DSA ne parvient pas à construire un mouvement, des groupes comme ANSWER, qui soutiennent les gouvernements russe, iranien et syrien, prendront les devants avec une politique que la plupart des États-unien·ne·s de tous bords rejetteront. Nous, la gauche internationaliste, devons tirer parti de la récente hausse de mobilisation et combiner l’organisation anti-guerre avec le soutien aux mouvements démocratiques partout dans le monde, y compris en Iran et en Syrie.
Dan La Botz
Traduction : Aude Martenot