Vers la grève générale du climat
Vendredi 17 janvier 2020, pour son premier anniversaire, le mouvement Grève du climat appelait à une journée nationale de mobilisation à Lausanne. Déjouant tous les pronostics, plus de 10 000 personnes ont battu le pavé de la capitale vaudoise, renouant avec les scores les plus spectaculaires de 2019. Ce succès sans appel donne le coup d’envoi des mobilisations en vue de la Grève générale « pour l’Avenir », prévue le 15 mai prochain.
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Excessivement médiatisée, la présence de Greta Thunberg dans le cortège a probablement contribué à cette forte affluence. L’insistance et l’agressivité de certain·e·s journalistes et autres fans ont d’ailleurs donné du fil à retordre au service d’ordre mis en place par la Grève du climat. Mais l’ « effet Greta » ne peut expliquer à lui seul le succès de cette première grève de l’année. Il convient plutôt de considérer l’étonnante résilience d’un mouvement social qui continue de mobiliser très largement parmi les jeunes et est en train de s’étendre à d’autres catégories de la population.
La même semaine, l’acquittement des militant·e·s du LAC (voir notre édito), inculpé·e·s pour une action non-violente menée en 2018 dans les locaux de Credit Suisse, a suscité un vif enthousiasme et a aussi contribué à la réussite de cette mobilisation.
Pour une révolution démocratique, écologiste et féministe
En parallèle des grèves scolaires et des mobilisations de rue, la Grève du climat est, dans le canton de Vaud, en campagne pour l’élection complémentaire au Conseil d’État. Par la forme inédite et collective de sa campagne, le mouvement dénonce la politique des partis institutionnels et le système médiatique, qu’il juge inefficaces et au service du statu quo. Il s’engage notamment, en cas d’élection, à rompre avec la hiérarchie de l’exécutif gouvernemental et à organiser des assemblées populaires pour décider des mesures à prendre. Si la proposition paraît encore floue, elle a le mérite de s’inscrire dans une perspective de « révolution démocratique, écologiste, féministe et sociale ».
Les militant·e·s en campagne ont cependant bien compris que la voie électorale ne permettrait pas de changements d’ampleur. Avec le slogan « Le Conseil d’État ne nous sauvera pas : 15 mai, grève générale », le collectif montre au contraire qu’il tire profit de cette élection à des fins propagandistes et de mobilisation. Malgré les difficultés d’un tel exercice, il parvient ainsi à imposer les thématiques d’urgence écologique et de justice climatique dans le débat public. Son programme est basé sur le Plan climat vaudois (consultable sur vaud.climatestrike.ch), élaboré de concert avec des expert·e·s de divers domaines, et permet de faire connaître une série de mesures concrètes, souvent en rupture avec le mode de production capitaliste : fin des investissements dans les énergies fossiles, revenu de transition écologique, gratuité des transports publics, etc.
De la grève des cours à la grève de la production
À la manifestation, les grévistes du climat ont réitéré leur appel à la « grève générale » le 15 mai 2020. Les militant·e·s sont ainsi conscient·e·s, non seulement de l’importance de rester mobilisé·e·s, mais également de renforcer les dynamiques d’auto-organisation à la base (écoles, gymnases, hautes écoles…), avec comme objectif de les étendre au monde du travail. En effet, l’implication des salarié·e·s et des syndicats dans la lutte écologiste est indispensable pour opérer un changement réel de système. Éviter le cataclysme climatique, sortir du productivisme, interdire les énergies fossiles, sauvegarder la biodiversité : de telles bifurcations ne pourront avoir lieu qu’à condition que celles et ceux qui produisent les richesses se joignent au mouvement et s’organisent pour arrêter la machine. Il est donc important de montrer – et les jeunes de la Grève du climat y travaillent – que dans une perspective de révolution écologiste, juste et solidaire, changer de système n’implique ni de retourner à la bougie, ni de perdre son emploi, mais permettrait au contraire une amélioration des conditions de vie et de travail pour tou·te·s les salarié·e·s.
« Vous n’avez encore rien vu », a lancé Greta, à l’adresse des politicien·ne·s et des dirigeant·e·s de multinationales réunis à Davos à l’occasion du bal des puissant·e·s que représente le World Economic Forum (WEF). Dans un discours axé sur la dénonciation des inégalités, entre Nord et Sud et entre classes sociales, l’écologiste et féministe du Kenya Njoki Njoroge Njehû a, pour sa part, asséné qu’il était temps, ni plus ni moins, d’« abolir les milliardaires » pour assurer à la majorité sociale un futur serein. C’est ainsi, en liant l’urgence climatique à des revendications sociales, que des secteurs du monde du travail pourraient prochainement rejoindre la Grève pour le climat. Réponse le 15 mai prochain.
Quim Puig