Les Enfants du temps

Un conte climatique

Après le succès de Your Name, le réalisateur Makoto Shinkai revient avec un film mêlant amour adolescent et catastrophe climatique dans une pluie diluvienne d’émotions et de détails graphiques.

Le lien avec la nature constitue un thème récurrent du cinéma d’animation japonais. On pense notamment à Princesse Mononoké ou à Nausicaa. Les films de Makoto Shinkai reprennent ce motif. Your Name, quatrième film au nombre d’entrées au Japon, évoquait une catastrophe naturelle à travers la destruction entier d’un village suite à la chute d’une météorite.

Les Enfants du temps quitte le registre de l’événement pour faire du dérèglement climatique non plus une catastrophe épisodique, mais la toile de fond du récit. À Tokyo, il pleut sans discontinuer pendant des jours, des semaines, puis des mois. Le film nous montre la ville dans un soucis du détail époustouflant. Le spectateur se sent plongé en pleine rue, au milieu des immeubles vétustes et des gouttes innombrables.

Le sacrifice des laissés-pour-compte

Autre particularité de ce film pour le cinéma japonais d’animation, les protagonistes de l’intrigue sont deux précaires : un jeune garçon, Hodaka, ayant fui son île à la recherche de petits boulots pour survivre, et une jeune orpheline, Hina, devant mentir sur son âge pour travailler dans un fastfood et pouvoir nourrir son petit frère. Cette situation initiale va changer quand le jeune homme va découvrir que Hina est une « fille-­soleil », capable de faire apparaître le soleil en priant. Ils vont alors monter une entreprise vendant ses services à celles et ceux qui souhaitent avoir un peu de soleil.

Hodaka et Hina rencontrent le succès un temps, mais sans se rendre compte que, derrière les bonheurs apportés aux individus, une vérité plus sombre se cache. Pour que le soleil revienne véritablement, il faut en effet que la fille-soleil se sacrifie.

Le récit étant centré largement sur l’épanchement des sentiments amoureux adolescents, sa conclusion peut sembler égoïste. Mais elle convoque des métaphores qui résonnent avec notre situation actuelle : le refus du sacrifice des plus précaires pour le confort des un·e·s, l’acceptation du dérèglement climatique comme un fait évident et incontournable, vision d’un monde à peine vivable laissé aux prochaines générations.


Pierre Raboud