Avancée vers les droits politiques des personnes vivant avec un handicap

Jeudi dernier, 27 février, le Grand Conseil genevois votait – enfin ! – notre projet de loi constitutionnelle visant à mettre le droit genevois en conformité avec la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) en matière de droits politiques.

Par une majorité de 58 contre 30 (et 2 abstentions) le parlement approuvait ainsi un projet de loi, dont le premier signataire est le député d’Ensemble à Gauche (EàG) Pierre Vanek, qui lève toutes les restrictions en matière de droits politiques cantonaux pour des personnes qui pouvaient jusqu’ici être privées par décision d’un juge de leurs droits politiques, à teneur de la nouvelle constitution, du fait de leur «incapacité de discernement» alléguée.

Le fait qu’à l’issue d’une procédure sommaire des juges soient en droit de priver des citoyen-ne-s de tous leurs droit politiques a semblé à une majorité d’environ deux tiers du parlement, allant d’EàG au PDC en passant par le PS, les Verts et quelques UDC et libéraux… être une disposition d’un autre temps. De quoi en effet, le «discernement» en politique est-il fait et cela relève-t-il des compétences de notre appareil judiciaire d’en trancher?

La réponse négative à cette deuxième question a paru évidente à une très large majorité du parlement, comme d’ailleurs même au Conseil d’État. Il faut rétablir dans leurs droits politiques le millier de personnes environ interdites de les exercer dans le canton à teneur de l’art 48 alinéa 4 de la Constitution cantonale, ce que prévoit ledit projet de loi. Ceci malgré le préavis négatif du procureur général Olivier Jornot, qui se mêlait en la matière d’un sujet – les droits politiques – qui ne le regardait nullement, ni de près, ni de loin!

En fait, c’était la commission des droits politiques du Grand Conseil unanime, malgré quelques abstentions, qui prévoyait sans opposition  aucune de recommander le OUI à ce projet de révision progressiste de la Constitution cantonale appelé de leurs vœux par toutes les associations de défense des droits des handicapé·e·s du Canton.  En conséquence de cette unanimité, le projet devait censément passer en plénière en procédure accélérée dite des «extraits».

Plus bête tu meurs !
Mais il s’est trouvé un député PLR qui se spécialise dans la défense de positions rétrogrades, notamment en matière des droits politiques, pour relever le défi d’un combat, pourtant perdu d’avance, contre cette loi. Il a commencé par faire retirer le projet de la liste des points non controversés passant aux «extraits». Escomptant par ce biais un report de plusieurs séances d’un point inscrit en 115e position de l’ordre du jour…

Cette manœuvre dilatoire a été contrée immédiatement par un vote majoritaire en faveur de l’urgence du traitement dudit projet. Et ledit député en a été réduit à improviser des bêtises pour tenter de contrer le projet. Qu’on en juge !

Cet illustre juriste a plaidé que l’art. 45 de la constitution genevoise prévoyait « que toute personne jouissant des droits politiques puisse effectivement les exercer ». Or, a-t-il expliqué, une personne dans le coma – par exemple – ne peut manifestement pas exercer effectivement ses droits politiques, ce qui violerait la disposition susmentionnée… il fallait donc se donner les moyens de priver ladite personne – sous entendu comme d’autres catégories de personnes handicapées – de ses droits politiques pour faire régner le droit à Genève.

Une bataille rétrograde…
Pour le surplus, c’est l’argument classique de la fraude possible qu’il a égrené: les handicapé·e·s concerné·e-s  pourraient voir leur vote capté abusivement par des personnes de leur entourage, profitant lâchement de leur état diminué, il faut donc les priver de droit de vote… On ne punit pas le fraudeur, mais la victime de la fraude.

C’est l’argument classique qui « justifiait » à l’époque de priver les femmes du droit de vote : des maris autoritaires pourraient de facto « voter  à la place » de le leurs femmes… D’où la conclusion absurde que plutôt que de combattre les abus patriarcaux en question, c’était  les femmes qu’il fallait punir – à titre préventif et pour leur bien, bien entendu  – en les privant de tout droits politiques !

Il est inquiétant, 50 ans après, que cet argument bidon ait été rejeté dans les urnes par les électeurs·trices genevois·es, qui ont alors octroyé les droits politiques cantonaux aux femmes suisses à Genève, il se trouve un Murat Alder pour les resservir tout uniment au parlement.

Il a été suivi par une bande de moutons de Panurge sans cervelle, des PLR bien peu libéraux, des UDC parfaitement antidémocratiques et surtout un MCG dont le PLR est devenu l’unique boussole politique… Cet alignement contre ce très modeste élargissement des droits politiques préfigure le front réactionnaire en train de se construire contre les droits politiques étendus pour les étrangers·ères… Espérons que l’échec parlementaire de ladite bande réactionnaire concernant ce projet de loi, qui sera certainement approuvé dans les urnes prochainement par les électeurs·trices genevois·es préfigure leur échec sur ce deuxième front important.


Pierre Vanek