Déconfinons nos luttes!

1er Mai 2020: déconfinons nos luttes!

La crise sanitaire du Covid-19 a un impact profond sur la capacité, déjà limitée en Suisse, des mouvements sociaux et des organisations du mouvement ouvrier à faire entendre leurs revendications et à infléchir les politiques menées par les classes dirigeantes. 

L’interdiction, par le Conseil fédéral, de manifester dans la rue le 1er Mai 2020 en est une illustration importante. En pleine semaine de reprise des activités dans plusieurs secteurs, le plus souvent au prix d’un respect tout relatif des normes de protections sanitaires, il nous est imposé de manifester au balcon. En matière de luttes sociales, M. Berset nous rappellera probablement qu’il s’agit de rester confiné aussi longtemps que possible, mais au-delà du nécessaire.

Ce 1er Mai 2020 devrait pourtant être le bon moment pour dénoncer le caractère mortifère de la politique du Conseil fédéral à l’égard des travailleurs·euses et pour les rassembler autour de revendications urgentes en matière de protection de la santé, de salaires et de droits du travail. 

Il faut refuser de faire payer cette crise aux travailleurs·euses, d’abord en évitant les pertes humaines qui pourraient l’être, donc en renforçant massivement les moyens financiers et humains alloués au système de santé. Cela implique aussi de défendre le maintien intégral des revenus de toute la population et d’obtenir des aides plus substantielles pour les catégories les plus précaires. Refuser de payer cette crise, c’est enfin exiger que ses coûts soient assumés par les classes dominantes, notamment par l’introduction d’une fiscalité extraordinaire sur les hauts revenus, la fortune et les bénéfices des grandes entreprises installées en Suisse.

Or, malgré tous nos efforts, nous ne parviendrons pas à imposer de telles orientations depuis nos balcons ou par écran tactile interposé, si belles soient nos banderoles et si justes soient les messages que l’on y relaie. Pour imposer une issue écologiste et sociale à cette crise, il n’y aura pas d’alternative à l’action collective des travailleurs·euses pour faire triompher la solidarité sur l’individualisme et la compétitivité, le bien commun sur le profit privé.

Dès lors que les transports en commun, les établissements publics, les magasins, les parcs et les rues vont se remplir à nouveau, les salarié·e·s et les syndicats doivent élaborer des stratégies d’action et d’intervention sur les lieux de travail et dans l’espace public. Car si le travail reprend, les droits sociaux ne peuvent rester bâillonnés et la lutte doit reprendre elle aussi. Nul doute que l’outil de la grève et du blocage de la production doit être au cœur de cette stratégie, en particulier pour imposer l’arrêt des secteurs non-essentiels, l’interdiction des licenciements dans les entreprises bénéficiant d’aides publiques ou encore la réquisition des entreprises stratégiques pour renforcer le système sanitaire (à commencer par l’industrie pharmaceutique). 

Que l’on nous y autorise ou non, la question de réinvestir les lieux où la bataille sociale peut être menée se pose dès maintenant. Ainsi, le 1er Mai 2020 pourrait être un point d’ancrage pour penser et préparer un déconfinement de la lutte sociale.

Pierre Conscience