Une histoire par en bas
Un documentaire en quatre volets, diffusé sur Arte et disponible en ligne, revient sur l’histoire de la classe ouvrière depuis sa formation au 18e siècle jusqu’aujourd’hui. À voir et à débattre.
Le réalisateur Stan Neumann nous propose de réfléchir au temps à travers un film documentaire en 4 épisodes d’une heure chacun. Le temps peut prendre la forme du temps de travail, mesuré précisément, surveillé méticuleusement par les patrons. Si ces derniers s’en préoccupent autant, c’est parce que sa bonne gestion est le cœur de l’exploitation capitaliste. L’extension maximale du temps de travail des ouvriers·ères, au détriment des temps de pause et du temps hors travail, assure la plus-value. Mais le temps est aussi celui de l’histoire, de la politique et des luttes ouvrières.
Les origines de la classe ouvrière
La mobilisation d’archives, d’entretiens avec des historien·ne·s et philosophes, d’une équipe scientifique en soutien à la réalisation, et de témoignages contemporains d’ouvrières et ouvriers permet d’en apprendre plus sur le monde ouvrier et son histoire. Le tout est narré par la voix posée de Bernard Lavilliers. Le propos est en outre soutenu par des animations dynamisant la narration et une bande sonore émouvante constituée de chants célébrant les luttes ouvrières.
La formation du prolétariat moderne prend notamment racine dans l’exode des paysan·ne·s écossais·es vers les villes suite à la privatisation des terres en commun, épisode dit des « enclosures ». La dépossession des savoir-faire des artisan·e·s par l’appareil productif industriel grandissant complète le phénomène. La violence nécessaire à la formation de la classe ouvrière et les nouvelles conditions de travail déplorables touchent particulièrement les femmes et les enfants et poussent cette jeune classe à la révolte et l’organisation.
Des luddites à Solidarność
Dans un panorama qui va des premières révoltes ouvrières des luddites en Angleterre à la Commune de Paris, de la révolution russe à la lutte menée par le syndicat polonais Solidarność en passant par les « années 68 », l’analyse démontre le rôle essentiel de la classe ouvrière dans l’histoire.
Le défi filmique, traitant une si longue période et à l’échelle de l’Europe, génère des faiblesses. L’on peut relever les oppositions réductrices entre le marxisme et l’anarchisme. De plus, le 4e épisode, intitulé « Le temps de la destruction », est défaitiste et quelque peu maladroit. Sa conclusion laisse penser que la classe ouvrière aurait disparu et ne serait plus qu’un mythe.
Les nombreuses défaites du 20e siècle et bientôt quarante ans de néolibéralisme sont source de contradictions, de divisions et de pertes de repères pour la classe ouvrière, mais celle-ci n’a pas disparu pour autant. Avec ses limites, cette série est à voir, à débattre et permet une introduction pédagogique à l’histoire de la classe ouvrière en Europe.
Julien Nagel