La révolution sera éco-féministe ou ne sera pas
Il y a un an, le plus grand mouvement social que la Suisse ait connu a concrétisé le travail des collectifs de la Grève féministe. Cette mobilisation sans précédent a permis de conscientiser des masses aux mécanismes d’oppression structurels et ambiants. Un an après le 14 juin 2019, et 29 ans après la première Grève des Femmes, rien ou si peu a changé dans le contexte socio-politique suisse. C’est pourquoi les collectifs féministes organisent une nouvelle mobilisation ce 14 juin et lancent un appel national à faire grève !
La pandémie a par ailleurs mis à nu les contradictions inhérentes du capitalisme, que les courants radicaux pointaient du doigt depuis des décennies. C’est-à-dire que pour survivre, le capitalisme dépend du travail reproductif effectué majoritairement par les femmes. Celui-ci permet de reproduire la force de travail, qui accomplit le travail productif. Ainsi, la reproduction étant inextricablement liée à la production, elle doit indispensablement devenir une préoccupation collective.
Actuellement, la 4e vague des mouvements féministes utilise la grève féministe comme outil de lutte permettant de rompre avec la logique de séparation privé/public, en faisant la grève tant du travail productif que reproductif. Il s’agit dans ce contexte de mettre la vie plutôt que les profits au centre. À l’échelle internationale, les féministes marxistes révolutionnaires ont également trouvé plus pertinent d’analyser le système selon la contradiction capital / vie, englobant tant la préservation des humain·e·s que de l’environnement, au lieu de la traditionnelle contradiction capital / travail.
Des emplois parmi les plus dévalorisés dans le système capitaliste se sont révélés ainsi parmi les plus essentiels durant la crise. Ce sont largement les femmes, souvent non-blanches ou extra-européennes, qui assument les tâches de soins, éducatives et domestiques. Bien qu’indispensables au fonctionnement de la société et à la reproduction de la vie, celles-ci sont généralement non ou mal rémunérées. Les femmes des classes populaires, et plus particulièrement celles issues de l’immigration, subissent de plein fouet la crise et ses conséquences. Elles font non seulement partie des catégories les plus exposées aux risques tant de violences sexistes que sanitaires, mais elles vont aussi payer la relance de la course au profit. Les milieux patronaux et gouvernementaux n’ont pas attendu la fin de la crise pour lancer des attaques sur les droits des travailleuses·eurs et sur la protection de l’environnement.
Le mouvement de la Grève féministe en Suisse dénonce ces problèmes structurels et s’oppose à un retour au monde d’avant ! Au monde où le système capitaliste banalise la mort en présentant les décès liés à la pandémie comme un inévitable dégât collatéral. Ainsi, pendant que les capitalistes comptent leurs profits, nous comptons nos mort·e·s. Or, tel que revendiqué par les collectifs féministes et pour le climat, l’ordre des priorités doit être renversé. La vie et la santé doivent passer avant l’économie capitaliste, les femmes et la planète ne doivent pas payer cette crise !
Les applaudissements ne suffisent pas : nous voulons rompre avec ce système capitaliste, raciste et sexiste en amorçant dès maintenant une transformation radicale de la société plaçant le care et la vie au centre. Les mouvements sociaux appelant à la rupture avec ce système mobilisent aujourd’hui les prolétaires et opprimé·e·s partout dans le monde et sont une inspiration pour nos luttes. La grève féministe, qui par ailleurs risque fort d’être reconduite pour 2021, est une forme d’expression de la lutte des classes et doit ainsi nous servir de boussole politique !
Tamara Knezevic Aude Spang