En Suisse aussi le racisme tue

Manifestation Black Lives Matter, Lausanne, 9 juin 2020 - Luttons contre le racisme d'Etat en Suisse
Manifestation Black Lives Matter, Lausanne, 9 juin 2020

Il y a trois semaines que George Floyd est mort à Minneapolis asphyxié par un policier blanc. Depuis, les manifestations de solidarité mais aussi d’indignation et de colère ne tarissent pas. Elles ont embrasé les États-Unis avant de se répandre dans le monde entier. De Londres à Sydney, des milliers de personnes vêtues de noir et le poing levé descendent dans les rues pour dénoncer le racisme systémique. Après que la terre entière ait été confinée en raison du Covid-19 et que l’ombre de la crise économique se précise, les premiers mots qui, de partout, résonnent sont : « I can’t breathe », « Black lives matter », « No justice, no peace », « Silence is violence ». La Suisse est l’une des voix de ce chœur international.

Depuis trois semaines, manifestations, actions symboliques, rassemblements ont émergé à Bienne, Bâle, Berne, Neuchâtel, Zurich, Lausanne, Genève, St-Gall et Lucerne. On comptait 25 000 personnes à Genève, 10 000 à Zurich et 5000 à Bâle. Le racisme anti-noir·e façon helvétique, sujet tabou par excellence, apparaît soudainement sur le devant de la scène. Les noir·e·s seraient quelque 120 000 en Suisse. Leur présence significative dans le pays date des années 1990, ce qui paraît relativement récent. Mais comme dans de nombreux pays européens (pourquoi en serait-il autrement ?), le racisme à leur encontre est systémique. On est face à un rapport historique socialement ancré dans les institutions et les mentalités.

Le racisme anti-noir·e prend différentes formes. La violence policière d’abord. Elle a causé la mort d’Hervé Mandundu (2016), Lamine Fatty (2017) et Mike Ben Peter (2018). L’association contre le profilage racial compte pas moins de 23 personnes non-blanches qui, ces 20 dernières années, sont mortes suite à une interpellation policière ou une incarcération. À cela s’ajoutent toutes les formes de discrimination à l’embauche, au logement, à l’évaluation scolaire, etc., mais aussi celles des humiliations quotidiennes. 

Le racisme enfin se manifeste dans le secret des urnes. Faut-il rappeler que l’UDC est le premier parti de Suisse ? L’introduction, il y a 26 ans, de l’article 261 bis du Code pénal, qui interdit toute discrimination raciale dans le domaine public, n’a eu que peu d’effet. Derrière ce racisme, on trouve la question plus profonde liée à l’esclavage. La Suisse y a participé par le biais de ses marchands, banquiers, commerçants et mercenaires. Ce sujet nécessiterait désormais d’obtenir toute l’attention qu’il mérite. À cette lumière, le racisme se révèle être intrinsèquement lié au capitalisme. Aujourd’hui, l’exploitation de la main-d’œuvre et des ressources naturelles d’Afrique par des multinationales suisses prédatrices s’appuie sur le racisme.

Pour que ces mobilisations débouchent sur de véritables changements, il faut que les collectifs qui les ont impulsés s’organisent et se consolident. Et que la convergence des luttes avec les mouvements féministes et écologistes soit. Dans le cadre du mouvement de la grève des femmes du 14 juin c’est déjà le cas puisque les Afro-féministes se sont constituées en collectif au sein du mouvement. 

Isabelle Lucas