Le virus de la faim

Le dernier rapport d’OXFAM, « Le virus de la faim : comment le coronavirus sème la faim dans un monde affamé », nous plonge dans une dure réalité : la pandémie de Covid-19 souffle sur les braises d’une crise alimentaire déjà grandissante. 

Memorial famine, Dublin

En 2019, on estimait à 821 millions le nombre de personnes vivant dans l’insécurité alimentaire, dont environ 149 millions souffrant de la faim à un niveau critique.

Le coronavirus vient s’ajouter à un contexte fragilisé par des conflits, des inégalités croissantes et une crise climatique qui s’aggrave. Cette situation va exposer des millions de personnes supplémentaires à la famine. 

Avant la fin de cette année, entre 6000 et 12 000 personnes pourraient mourir de faim chaque jour suite aux impacts économiques et sociaux de la pandémie, soit potentiellement plus que les victimes du virus d’ici fin 2020. 

Le rapport souligne l’émergence de nouveaux « épicentres de la faim », des pays à revenu intermédiaire tels que l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil, où « des millions de personnes qui avaient autrefois des difficultés à survivre sont maintenant à la limite ». D’autres pays qui souffraient déjà de précédentes crises économiques, comme le Venezuela et le Sud-Soudan, ont vu leurs prévisions se faire plus sombres en raison de la pandémie.

Cette urgence alimentaire mondiale contraste avec la flambée de bénéfices des grandes entreprises du secteur de l’alimentation et des boissons, dont Coca-Cola, Danone, General Mills, Kellogg, Mondelez, Nestlé, PepsiCo et Unilever. Depuis janvier de cette année, les géants de l’industrie alimentaire ont distribué des dividendes d’une valeur de 18 milliards de dollars à leurs actionnaires. C’est « dix fois plus que le montant demandé par les Nations unies pour éviter que les gens ne souffrent de la faim ». Famine pour les pauvres, de l’argent plein les poches pour les riches. 

Urgence alimentaire

Ce rapport se conclut par un appel aux gouvernements pour sauver des vies maintenant et demain. Oxfam propose notamment de : construire un système alimentaire plus durable, plus équitable et plus résilient ; promouvoir la participation et le leadership des femmes dans les décisions prises pour combler les défaillances du système alimentaire ; annuler la dette ; soutenir l’appel des Nations Unies en faveur d’un cessez-le-feu mondial et prendre des mesures urgentes pour lutter contre la crise climatique. 

Malheureusement, cet appel va rester un vœu pieu sans une mobilisation sociale qui puisse imposer aux gouvernements des pays riches un changement de cap dans leurs politiques néolibérales. 

Juan Tortosa