Penser des futurs emplois d’utilité sociale

L’augmentation du chômage et des licenciements interpelle sur l’avenir du travail dans certains secteurs économiques. Au-delà des revendications traditionnelles (plan social, indemnités de chômage) se pose la question d’une reconversion professionnelle vers les secteurs d’utilité publique.

Grève Swissport, Genève 2010
Grève des employé·e·s de Swissport, Genève, 2010
Felicien Mazzola

Exiger des plans sociaux est une revendication totalement légitime à court terme. Dans la situation d’incertitude de secteurs économiques (tourisme, hôtellerie, trafic aérien), la suppression de la limite de durée des indemnités de chômage est aussi une autre revendication à avancer, pour éviter les situations de détresse que provoquera la prolongation de la crise économique.

Un nouveau contexte de l’emploi

Les revendications syndicales devraient désormais prendre en compte à la fois l’incertitude économique et des besoins sociaux. Une reconversion professionnelle, dans le cadre de mesures de chômage technique ou d’un plan social, permettrait au personnel licencié de s’intégrer dans les secteurs publics ou para-publics de la santé, de l’éducation et de l’hôtellerie. Une telle reconversion viserait à trouver un débouché fiable, avec une formation de qualité et reconnue, une utilité sociale du travail, et donc une meilleure sécurité de l’emploi.

Cette perspective est socialement plus judicieuse que la demande d’investissements publics dans la branche touristique, comme le propose le syndicat UNIA (résolution de la conférence de branche du 6.07.2020). Les patrons de l’hôtellerie ont toujours bénéficié de différentes facilités (TVA, fiscalité, subventions, promotion). Ces avantages ne les ont pas empêchés de maintenir de bas salaires et de piètres conditions de travail (temps de travail, précarité) et de s’opposer aux CCT. Étant donné les spécificités de l’industrie du tourisme suisse (haut de gamme, clientèle étrangère), la reprise des affaires risque de se faire attendre. Plutôt changer de cap, que de croire aux promesses patronales. Cela éviterait également que des aides et des subventions publiques favorisent un tourisme pour les riches.

Des revendications de reconversion professionnelle pourraient aussi s’appuyer sur le plan de soutien à la formation dans le domaine de la santé qui vient d’être voté par le parlement fédéral. Il s’agit d’une enveloppe de 469 millions de francs sur 8 ans pour favoriser la formation de personnel soignant (Le Courrier du 11 juin 2020). D’autres formes de crédits publics pourraient être sollicitées, comme ceux destinés à la promotion et l’innovation industrielle, dans la perspective d’assurer des emplois durables.

Reconvertir Cointrin

D’autre part, la présence de trois aéroports internationaux en Suisse est discutable d’un point de vue écosocialiste. Les prévisions du directeur de Cointrin voulant augmenter le trafic aérien de 50 % d’ici 2050 avant la pandémie indiquent la volonté de continuer à favoriser un tourisme de masse et nuisible pour l’environnement et les activités marchandes. Tous les grands aéroports sont devenus de gigantesques centres commerciaux sans autre finalité que la consommation.

Comme la crise va certainement condamner ces perspectives, un plan de reconversion à l’échelle du site doit aussi être envisagé.

En Suisse, un seul aéroport pour les relations internationales devrait suffire. Les autres terrains pourraient par exemple accueillir des centrales solaires. Ce sont en effet des surfaces planes, déjà équipées d’infrastructures techniques et proches des centres urbains. Le personnel technique pourrait se reconvertir dans le montage et l’entretien des installations.

D’autres transformations concerneraient les gares ferroviaires en centres d’entretien pour le matériel roulant, les bâtiments en structures d’accueil et de formation. Les structures hôtelières (cuisines, restaurants, entrepôts) alimenteraient des besoins publics (écoles, secteur para–public, accueil scolaire, EMS).

Des espaces pourraient aussi servir à loger la création culturelle. Tous ces travaux seraient ainsi des créateurs d’emploi, de recyclage et de formation.

La réduction massive du temps de travail et la répartition du travail entre toutes et tous sont aussi des perspectives à avancer. Travailler moins signifie produire et consommer moins et réduire les besoins énergétiques, thèmes qui convergent avec les revendications des mouvements de la défense de l’équilibre climatique. Ainsi, les syndicats et les salarié·e·s pourraient trouver des forces sociales pour appuyer aussi la réduction du temps de travail et renforcer cette orientation.

José Sanchez