Covid-19

Rien ne va plus

Personne sous respiration artificielle

La Suisse a atteint un nombre record de nouveaux cas. Les soins intensifs de plusieurs hôpitaux sont près de l’explosion. La situation est dramatique. Le nombre de personnes testées positives, d’hospitalisations et de décès n’a cessé de croître de façon exponentielle depuis fin septembre et les mesures prises jusqu’ici se révèlent inadaptées. Dans certains cantons, la meilleure qualité des soins n’est déjà plus garantie. En une semaine, le pays a vu une progression du nombre de mort·e·s de près de 20 %, la plus forte hausse au monde juste derrière la Pologne. Le canton de Genève, siège de l’OMS, a le triste privilège d’être aujourd’hui la région d’Europe la plus touchée. 

Et le « tri » des patient·e·s est à l’ordre du jour… Cela signifie que la société la plus riche du monde se prépare peut-être à laisser mourir des personnes que l’on pourrait soigner, sous prétexte que leur état de santé ne leur laisserait au mieux que quelques années de vie. Tout se passe comme si une forme très contemporaine de darwinisme social était en train de faire son lit dans la conscience collective occidentale, banalisant le pire.

Neuf mois après le début de la première vague, il semble qu’aucun enseignement n’ait été tiré. Le Conseil fédéral annonce des mesures d’une timidité incompréhensible et rejette la responsabilité d’aider les milieux sinistrés sur les cantons, par ailleurs déjà fragilisés par la baisse de rentrées fiscales provoquée par la réformes RFFA. 

La population est livrée à elle-même. Et l’on sait déjà que les conséquences économiques et sociales de la pandémie vont se traduire par un renforcement massif des politiques d’austérité aux dépens des services publics, des assurances sociales et des prestations à la population. Des politiques qui vont frapper de plein fouet tous les salarié·e·s, les précaires, dont une majorité de femmes, les acteurs et actrices culturelles, les nombreux petit·e·s indépendant·e·s aujourd’hui désespéré·e·s, sans parler de celles et ceux qui travaillent dans l’économie informelle et se retrouvent du jour au lendemain sans revenu ; parmi elles·eux une écrasante majorité de personnes sans titre de séjour.   

La crise du capitalisme se prépare à écraser le monde du travail. Dans le Sud global, les effets dévastateurs de la pandémie se cumulent à ceux de la dette et de la famine qu’elle engendre. La crise sanitaire révèle l’état du monde… La mort rôde, les droits démocratiques sont partiellement suspendus (interdictions de manifester, de circuler…), des sacrifices immenses sont exigés de la population, en particulier des classes populaires qui paient le plus lourd tribut, et les écarts économiques, sociaux et culturels se creusent et éclatent au grand jour. Les salarié·e·s en butte à la peur du chômage et à une accélération de la transformation du travail (numérisation, télétravail, etc.) sont soumis à de nouvelles formes d’atomisation et de surexploitation. La colère populaire monte d’un cran ; le repli identitaire et les « organisations politiques du désespoir » tentent d’y gagner des adeptes.

Mais le pire n’est jamais certain. Il se pourrait, et cela dépend aussi de nous, que le virus réveille des énergies nouvelles, en révélant la nécessité de transformer un monde devenu de plus en plus intolérable. Pour cela, il faut être capable d’orienter la résistance et d’organiser politiquement une riposte anticapitaliste qui trace des horizons de lutte pour les couches populaires et la jeunesse. Nous sommes à un tournant d’époque, notre responsabilité est immense !

Stéfanie Prezioso