L’amiante entre au Conseil Fédéral: la pilule est à Merz

L’amiante entre au Conseil Fédéral: la pilule est à Merz

Hans-Rudolf Merz le répète bien haut et bien fort: «Sur mon passé, je n’ai rien à me reprocher»1. Il a été jusqu’à vendredi 12 décembre 2003 l’administrateur choisi par Stephan Schmidheiny pour défendre les intérêts de ses entreprises d’amiante dans le monde entier et président de la Holding Anova, l’enseigne du volet international d’Eternit. Cette société a été active sous le nom d’Everit en Afrique du Sud jusqu’à la fin des années 70. Elle a fait comme partout ailleurs d’énormes bénéfices grâce à l’amiante. Mais elle a aussi une responsabilité non seulement légale mais morale vis-à-vis des travailleurs qui souffrent des maladies dues à l’amiante dont le mésothéliome, fatal pour ses victimes, trente à quarante ans après leur exposition.


En Afrique du Sud, l’avocat Richard Spoor qui a remporté en mars 2002 une victoire contre les géants du ciment anglais Cape et sud-africain Gencor est bien décidé à ouvrir un procès collectif contre M. Schmidheiny, en tant qu’ancien propriétaire d’Everit. Mais Hans Rudolf Merz a refusé en avril 2002 de recevoir personnellement l’avocat qui défend les victimes. Son prétexte: vouloir trouver une solution individuelle pour «les vraies victimes», mais au cas par cas. Il n’a pas voulu accepter un montant global d’indemnisation qui «susciterait une vague de demandes dans le monde entier».


Or dans tous ces pays (Grèce, Italie, Brésil, Nicaragua et autres), des procédures judiciaires sont ouvertes. Le 19 novembre 2002, Hans-Rudolf Merz devait renoncer à sa candidature à la présidence du parti radical suisse: ses mandats étaient vivement critiqués: Il siégeait à la fois dans des conseils d’administration de deux entreprises dont l’une est au cœur de l’hécatombe sur l’amiante, l’autre étant soupçonnée d’avoir des liens avec le régime de l’apartheid en Afrique du Sud.


Aujourd’hui, le nouveau Conseiller Fédéral affirme que l’affaire de l’amiante en Afrique du Sud est sur le point d’être réglée, tout en avouant que l’avocat qui représente les victimes demande encore quelques semaines pour signer un accord. En Italie, il reconnaît que l’affaire est beaucoup plus compliquée. «D’autre part, nous n’avons pas encore fait le compte de toutes les victimes possibles…»2


Les victimes de l’amiante de plus en plus nombreuses dans le monde entier devront certainement à l’avenir exiger des comptes de l’ancien administrateur d’Eternit, devenu aujourd’hui Conseiller Fédéral.


Pierrette ISELIN

  1. Le Matin du 14 décembre 03
  2. idem