Tournée zapatiste

Le virus de la rébellion va débarquer cet été

En janvier 1994 le mouvement zapatiste, une rébellion armée, éclatait dans le sud du Mexique pour protester contre les politiques néolibérales et plus de 500 ans d’oppression des peuples indigènes. Entretien avec Apolline Anor, membre des coordinations d’accueil des zapatistes en Suisse.

Illustration pour annoncer le tournée zapatiste européenne

Environ 150 zapatistes sont attendu·e·s à partir de fin juin. Les trois quarts sont des femmes. Dans leur première déclaration, en octobre dernier, ils et elles annonçaient être « porteur·euse·s du virus de la résistance et de la rébellion », appelaient à « faire nôtres les douleurs de la terre » et à combattre « un système exploiteur, patriarcal, pyramidal, raciste, voleur et criminel ». « La survie de l’humanité dépend de la destruction du capitalisme. »

Pourquoi est-ce que les zapatistes viennent en Europe ? Ils et elles viennent pour connaître nos luttes, découvrir de nouvelles formes de résistance en Europe, peut-être aussi confronter différents points de vue. Bien sûr, le but est aussi de  parler de leur autonomie et de leurs luttes mais avant tout, ils et elles veulent découvrir de nouvelles façons de faire, d’autres manières de lutter, de confronter ces divers regards. Les zapatistes veulent faire une tournée mondiale, l’Europe n’est que le début. 

Pendant plusieurs mois, la délégation va parcourir le continent à la rencontre des secteurs en lutte. L’objectif du voyage est de relier les combats, de favoriser l’échange et le dialogue en évitant toute prétention de donneur·euse·s de leçons.

Quels seront les premiers pays visités et combien de temps vont-ils·elles rester en Europe ? Les zapatistes vont arriver en Europe de manière échelonnée, certain·e·s en Galice par bateau vers le 15 juin et d’autres par avion. En principe ils et elles vont visiter pas mal de pays, dont la Suisse. Nous ne savons pas exactement quand, mais nous allons leur proposer de venir fin août à Bâle, au Tessin et à Genève.

En Europe, plusieurs centaines d’événements ont été proposés à la délégation. Pour l’instant, rien n’a été officiellement fixé si ce n’est une manifestation le 13 août 2021 à Madrid. Les zapatistes souhaitent commémorer à leur manière la chute de la capitale aztèque Tenochtitlan face aux conquistadors, il y a cinq siècles.

La première personne qui débarquera sur les côtes galiciennes mi-juin sera Marijosé, femme trans*, membre de la délégation maritime. Cinq cents ans plus tôt, Christophe Colomb s’était empressé de planter sa croix et de rebaptiser l’île de Guanahaní du nom de San Salvador. Dans une sorte de réplique inversée, Marijosé, elle, affirmera d’une voix solennelle : « Au nom des femmes, des enfants, des hommes, des anciens et, bien sûr, des zapatistes autres, je déclare que le nom de cette terre, nommée aujourd’hui ‹ Europe › par ses natifs, s’appellera désormais SLUMIL K’AJXEMK’OP, ce qui signifie ‹ Terre rebelle ›, ou ‹ Terre qui ne se résigne pas, qui ne défaille pas ›. Et c’est ainsi qu’elle sera connue des habitant·e·s et des étranger·ère·s tant qu’il y aura ici quelqu’un·e qui n’abandonnera pas, qui ne se vendra pas et qui ne capitulera pas. »

La délégation zapatiste est composée en majorité de femmes, quel rôle jouent·elles dans ce mouvement ? Qu’elles forment la majorité de la délégation est une volonté politique. Les femmes jouent un rôle essentiel dans le mouvement zapatiste. Il y a de plus une volonté de rendre visible le mouvement féministe au niveau mondial et leurs luttes contre le patriarcat. Elles sont organisées de manière autonome, indépendamment des hommes à plusieurs niveaux : économique avec une production artisanale, politique ou militaire (beaucoup de dirigeantes militaires sont des femmes). Le rôle des femmes dans le mouvement est historique. 

La première loi zapatiste, édictée en 1992, est la Loi révolutionnaire des femmes qui contient 10 points établissant une égalité totale entre femmes et hommes dans tous les domaines.

Lors de cette tournée, une rencontre continentale féministe aura lieu à Notre-Dame-des-Landes, peux-tu nous dire ce qu’il va se passer ? Cette rencontre mi-juillet est un des seuls rendez-vous de dimension continentale. Les femmes zapatistes ont invité toutes les femmes de tous les collectifs au niveau européen. Le programme n’est pas encore défini mais il y a une volonté de présenter les différents regards, les façons de lutter et aussi de pouvoir échanger nos diverses expériences. Pour finir, nous espérons créer un large mouvement de soutien ici en Suisse. Nous appelons toutes les organisations et collectifs suisses qui partagent les principes zapatistes à se joindre à nous.

Propos recueillis par Juan Tortosa

Dates provisoires de la présence des zapatistes en Suisse

Bâle : ve 27— di 29 août

Genève : ma 31 août — me 1er septembre

Tessin : ve 3 — sa 4 sept.