Une « occupation sans faim » de la cafétéria d’Uni-Mail
Depuis le mardi 2 novembre, la Conférence universitaire des associations d’étudiant·e·x·s (CUAE) occupe la cafétéria du bâtiment Uni-Mail de l’Université de Genève. Leurs revendications portent sur la précarité alimentaire de la population étudiante et sur la gestion privée des cafétérias. Notre rédaction a rencontré la CUAE dans la cafétéria occupée le dimanche 14 novembre.
Vous êtes ici depuis 12 jours maintenant, en étant très bien installé·e·x·s et organisé·e·x·s… Il ne s’agissait pas d’occuper la cafétéria en la fermant mais au contraire de servir des repas abordables à touxtes, elle est donc ouverte tous les jours. On a servi jusqu’à maintenant entre 600 et 800 repas par jour, avec boissons, cafés, tout ça à prix libre. On est là tout le temps, on dort ici, on est 30-40 personnes à se relayer pour faire tourner la cafétéria autogérée et plein de gens viennent aussi ponctuellement en soutien.
Quelles sont vos revendications ? La première, la plus connue, est celle des repas à 3 francs tout de suite, pour tout le monde et pour toujours. La deuxième est que le service de cafétéria soit internalisé et non pas géré par une société privée au sein de laquelle, par ailleurs, les conditions de travail sont assez catastrophiques et les droits syndicaux largement bafoués.
Ensuite, on demande aussi que l’université soutienne la Farce, qui est l’épicerie gratuite autogérée qui fournit des colis alimentaires aux étudiant·e·x·s de l’Université de Genève et des HES genevoises. 75 % des bénéficiaires de la Farce sont à l’Université de Genève et 25 % dans une HES, alors que seules les HES soutiennent cette épicerie. C’est une honte pour l’université ! La quatrième revendication est l’introduction d’une semaine de révisions au semestre de printemps, car l’enchaînement cours-examens est un facteur de stress, voire de détresse, qui vient s’ajouter à la précarité.
Cette occupation ne tombe pas du ciel, j’imagine, quelle est sa préhistoire ? La CUAE travaille depuis des années sur la précarité étudiante, mais la précarité alimentaire a pris un caractère dramatique en 2020 avec le Covid. On a obtenu des repas à 3 francs à la cafétéria durant deux mois qui ont été subventionnés par des fondations privées. Mais en juin ça s’est arrêté. On a tenté, en vain, de les faire réintroduire.
On a aussi travaillé sur le contenu des contrats qui lient l’université et les entreprises de restauration collective, car on est en période de renouvellement. On a vraiment l’impression de ne pas être écouté·e·x·s : tout le monde s’accorde sur l’existence de la précarité étudiante mais personne ne veut donner de l’argent, le rectorat renvoie au Conseil d’État et vice-versa.
Comment le Rectorat réagit-il à l’occupation ? Est-ce qu’il vous a approché·e·x·s pour négocier ? Nous avons pris la caf’ mardi matin à 10 h 30 et à midi, une vice-rectrice était déjà sur les lieux avec diverses personnes. C’était une entrevue de formalité, sans grand contenu. Comme plus de 48 heures plus tard, on n’avait pas de nouvelles, on est allé·e·s nous-mêmes au rectorat et on a de nouveau discuté un peu mais sans avancée.
Le rectorat disait réfléchir à des repas à prix modique, mais uniquement pour des étudiant·e·x·s identifié·e·x·s comme précaires, et nous on n’a pas envie de ça, car d’une part les conditions d’accès seraient très restrictives, comme pour les bourses, et d’autre part on est contre une espèce de « justificatif de précarité ».
Puis il y a eu de nouvelles négociations le vendredi 12 novembre … Oui, le rectorat est venu nous dire que nos revendications ont été portées au près de la cheffe du Département de l’instruction publique et que le Conseil d’État allait en discuter.
La revendication principale, à savoir les repas à prix modiques, est partiellement acceptée : des repas à 5 francs devraient être subventionnés de décembre 2021 à août 2022, puis ces repas seront intégrés dans le cahier des charges de l’entreprise sous-traitante de restauration.
Concernant l’usage plus inclusif de l’espace des cafétérias (par exemple le droit de manger son propre repas apporté), des discussions tripartites (étudiant·e·x·s, rectorat, entreprise) auront lieu dans une commission. Concernant l’internalisation de la gestion des cafétérias, les avancées sont minces : un processus de réflexion incluant les étudiant·e·x·s devrait être ouvert. Pour ce qui est de la Farce, le rectorat s’est engagé à soutenir financièrement cette épicerie solidaire. Enfin, il nous a été dit que la semaine de révisions est de la compétence des facultés.
L’occupation prend fin lundi mais la lutte contre la précarité étudiante continue !