Révision de la loi sur le viol

L’État et Le consentement

Depuis une année, nous sommes confronté·e·x·s à une médiatisation nouvelle de la question du viol en Suisse. En 2021, deux révisions du Code pénal sont proposées par la Commission des affaires juridiques du Conseil des États. Le projet comporte la création d’une nouvelle infraction, l’atteinte à la liberté sexuelle, ainsi que l’extension de la définition du viol à tous les actes sexuels forcés. Néanmoins, l’absence de la notion de consentement a fait débat.

Des culottes suspendues devant le Palais fédéral
Rassemblement pour exiger la variante «oui, c’est oui» de la définition du consentement lors du débat au Conseil national, Berne, 31 mai 2022
Amnesty International Suisse

L’élargissement de la définition du viol en Suisse – jusqu’à aujourd’hui limitée à la pénétration péno-­vaginale d’un homme cisgenre sur une femme cisgenre – n’a pas fait débat auprès des sénateurs·trices. La personne victime devait en outre démontrer qu’elle avait tenté de résister à la contrainte, une condition également abandonnée par le projet de réforme. En revanche, l’introduction de la notion de consentement, défendue par Amnesty, le PS ou un groupe issu du mouvement de la Grève féministe, suscite plus de controverse.

Si la notion de consentement est liée à celle d’autodétermination, elle ne permet pas de résoudre la complexité des rapports sociaux de sexe et encore moins dans le cadre de violences. Il y a à cela deux raisons principales : la première concerne l’application de la notion et la deuxième est propre aux rapports de domination. 

Une notion aux contours indéterminés

En termes d’application, la notion de consentement se confronte à de nombreuses barrières. En effet, alors qu’actuellement il faut prouver qu’il y a eu contrainte pour démontrer le viol, il faudra dès lors prouver l’absence de consentement. La charge de la preuve, en outre difficile à apporter, repose continuellement sur la personne victime. Nombreuses sont les personnes victimes à avoir vu le tribunal rejeter leur jugement ou recours pour manque de preuves. 

Consentir n’est pas désirer

Dans une société patriarcale où les rapports sociaux de sexe sont marqués par une hiérarchie et des oppressions, consentir à une relation intime est parfois intégré à une relation de dépendance qui peut être, par exemple, économique ou affective. Les luttes de la libération et de l’autodétermination sexuelles sont essentielles mais ne signifient pas que la sexualité puisse être vécue sans oppressions. L’égalité de fait au sein des relations, surtout intimes, n’existe pas. Penser l’introduction du consentement à partir de ce principe d’égalité contribue à invisibiliser le fait que les violences existent souvent de manière tacite et normalisée et ne sont pas uniquement une manifestation individuelle.

Durcir le régime répressif ?

Nombreuses sont les théoricien·ne·x·s féministes ayant démontré le renforcement des logiques sécuritaires, racistes et discriminantes généré par la délégation de la justice à l’État et à sa police. Leur analyse repose sur le caractère conservateur, cis­hétéro­sexiste, et raciste du droit, qui participe à contrôler et punir les populations précaires et marginalisées. 

En ce qui concerne les violences, le déroulement et la temporalité du processus légal participe souvent à réactiver un traumatisme, ou à le prolonger dans le temps. À cela s’ajoute un résultat peu probant pour les victimes/survivant·e·x·s. Alors que le système pénal actuel n’a pour but que la punition des coupables, au détriment des besoins et du bien-être des victimes/survivant·e·x·s, d’autres types de justice (restaurative ou transformative) représentent des pistes de réflexion pour penser la lutte contre les violences au bénéfice de la victime. 

Si la révision en cours est une première étape pour repenser le viol hors de la seule sexualité cis­hétéro­sexuelle, la notion de consentement devrait, elle, être intégrée dans une perspective éducative et de responsabilité collective. En attendant, les pratiques d’autodéfense féministe ont développé diverses manières de riposter et soutenir les personnes lésées sans faire recours à l’État, permettant ainsi d’entamer un bout de chemin pour une justice sociale. 

Le chemin parait donc encore long, mais la collectivisation du savoir sur le caractère structurel et systémique des violences ainsi que le développement toujours plus massif des réseaux de solidarités, encourage à croire en une amélioration, à long terme, des conditions de vie et d’émancipation des femmes et de toutes les personnes en situation de violence. La visibilisation (certes timide mais néanmoins existante) de ces questions par le monde politique va dans ce sens.

Léo Consentant