Grève à la Clairière

La protection de l’enfance maltraitée par le Conseil d’État

Après d’autres secteurs, les éducateurs et éducatrices du secteur «Observation» étaient en grève en novembre. Démarré sur une question de changement d’horaire, ce conflit met en lumière les dysfonctionnements du secteur éducatif dans l’une des villes les plus riches du monde.

Les éducateurs et éducatrices de la Clairière en grève
Le piquet de grève du personnel de la Clairière, 18 novembre 2022

Ce vendredi matin de novembre, plusieurs militant·e·s de solidaritéS sont venu·e·s soutenir les éducs en grève. Le service minimum imposé par la direction ressemble au service habituel de deux éducs pour un groupe qui va jusqu’à 12 mineur·e·s. Autour d’un café, les discussions s’engagent. L’équipe, fatiguée, tourne avec 9 éducs – contre 14 prévus dans le budget – à la suite de démissions et d’arrêts maladies. L’équipe médicale et psychologique serait aussi décimée. La goutte d’eau qui les a fait se mobiliser ? La direction veut imposer la journée de 11 h contre 8 h actuellement.

Pour bien mesurer ce que ce changement implique, rappelons que la Clairière est le seul centre éducatif de détention et d’observation fermé du Canton. En « observation », des enfants de 10 à 18 ans sont placés pour une durée de trois mois par les juges du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant. C’est un mandat de protection et d’évaluation, avec l’objectif de trouver des solutions ou des pistes de solutions pour chacun et chacune de ces mineur·e·s en souffrance qui ont, ou pas, commis un délit. 

La courte durée et le profil complexe du public nécessitent de la part du personnel éducatif une implication rapide, une écoute, un cadre qui fait autorité, des liens avec le réseau et les parents et le rendu d’un rapport qui propose une prise en charge singulière des besoins de chaque jeune à sa sortie. Autant dire qu’entre la prise en charge individuelle et celle collective dans un cadre fermé au sein d’une équipe pluridisciplinaire (éducs, médecins, psys, matons), il est d’une absolue nécessité que le personnel reste concentré sur sa mission et il est aisé de comprendre qu’une journée de 11h de travail ne le permet pas. 

En accord avec les grévistes, le groupe Ensemble à Gauche a demandé et obtenu trois postes supplémentaires du Grand Conseil. Cela ne résout pas tout. Les grévistes le rappellent : le problème se situe avant et après le passage des jeunes par la Clairière. En amont, par l’orientation de jeunes dont la prise en charge devrait se faire dans un autre cadre que celui de la Clairière (pédopsychiatrie, foyer adapté) et en aval où, faute de structure adéquate, des mineur·e·s végètent pendant des mois dans le centre fermé.

Comme les hospitalisations « sociales » en pédiatrie faute de place en foyer ou l’absence de solution viable pour l’accueil des Requérants d’asile mineurs non accompagnés (RMNA), la situation à la Clairière révèle surtout l’absence de stratégie du Canton en termes de protection de l’enfance. Des solutions doivent se construire avec, et non contre, les acteurs et actrices de terrain, et solidaritéS les soutiendra dans la rue comme au parlement.

Thomas Vachetta