Contrôler le monde?

Contrôler le monde?

Carter, Reagan, Bush I, Bush II…

Avant même la chute du mur de Berlin et l’implosion du système soviétique, les événements de 1979 amènent l’impérialisme US à mettre en cause ses modalités traditionnelles de domination au Moyen-Orient et en Asie Centrale. Rappelons que cette année marque à la fois le renversement du shah d’Iran, le contrôle total du pouvoir par Saddam Hussein à Bagdad et le début de l’invasion soviétique en Afghanistan. Dans un premier temps, les administrations Reagan et Bush père soutiendront Saddam contre les mollahs et miseront sur les Talibans contre l’URSS, avec l’aide des services spéciaux pakistanais.

On sait que ce redéploiement rencontrera des difficultés considérables au Moyen-orient (crise des otages et échec du raid Desert One en Iran, échecs des interventions au Liban et en Somalie), même s’il débouche sur une victoire stratégique contre l’URSS en Afghanistan. En 1980, dans son discours sur l’état de l’Union, Jimmy Carter ne fait pas mystère de la détermination US: «Toute tentative d’une force extérieure pour contrôler le Golfe Persique sera considérée comme une attaque contre les intérêts vitaux des Etats-Unis d’Amérique, et une telle attaque sera repoussée par tous les moyens disponibles, y compris la force militaire.» Pour cela, il crée la Force Commune de Déploiement Rapide, que Reagan formalisera par la suite sous le nom de CENTCOM (US Central Command).

En 1991, l’existence du CENTCOM, de même que l’effondrement de l’URSS, faciliteront l’opération Desert Storm. Et même si Saddam ne sera pas renversé à ce moment-là, la mise en place de zones d’exclusion aériennes au nord et au sud du pays, ponctuée par des épisodes de guerre ouverte (Desert Fox, 1998), se traduira par un plus grand nombre de sorties aériennes que pendant les deux guerres de 1991 et 2003!

Une seule puissance hégémonique

William Wohlforth, professeur à Dartmouth, est l’un des premiers politologues a avoir défendu l’idée que les Etats-Unis pouvaient aspirer durablement au statut de puissance hégémonique mondiale, définissant ainsi un ordre planétaire unipolaire fondé sur la puissance politique et militaire d’un seul Etat: «La sagesse conventionnelle tenait pour établi que l’unipolarité était dynamiquement instable et qu’un pas de trop de Washington susciterait un dangereux retour de manivelle. Je considère que c’est le contraire qui est vrai: l’unipolarité est durable et pacifique, et le principal risque c’est que les Etats-Unis n’en fassent pas assez. Disposant d’une suprématie de pouvoir indiscutable, ils sont plus libres que la plupart des Etats de ne pas prendre en compte le système international et ses exigences. Mais parce que ce système est bâti autour du pouvoir des Etats-Unis, il génère des demandes en vue d’un engagement américain. Plus Washington répondra efficacement à ces demandes pour assurer l’ordre, plus le système sera pacifique et durable» («The Stability of a Unipolar World», International Security, été 1999, pp. 7-8).

Blair dans les bottes de Bush…

«L’Opération Liberté pour l’Irak a été conçue et dirigée de façon absolument déterminante par les Etats-Unis… Pratiquement tout ce que les forces britanniques ont réalisé a été dominé par un environnement guerrier totalement contrôlé par les Etats-Unis.» On trouve cet aveu dans un rapport préparé par le Secrétaire de la défense de Tony Blair, Geoffrey Hoon, intitulé «Operations in Iraq: First Reflections» (juillet 2003).

Institutionnaliser l’unipolarité

L’institutionnalisation d’un monde unipolaire dominé par les Etats-Unis n’exclut pas nécessairement l’ONU, l’OTAN et les autres agences internationales, pour autant qu’elles soient fonctionnelles à la domination de Washington. Sous ce rapport, les néo-conservateurs font une concession de pure forme aux «réalistes», qui affirment que «le secret du long et brillant rôle des Etats-Unis comme leader mondial a résidé dans leur aptitude et dans leur volonté d’exercer le pouvoir dans le cadre d’alliances et de réseaux multinationaux» (G. J. Ikenberry, «On the Sustainability of US Power», The Globalist, 12 septembre 2002).. Mais attention, pour eux, le rôle et le fonctionnement de ces institutions doivent être redéfinis à partir d’objectifs généraux, non de procédures contraignantes.

Une nouvelle théorie des dominos…

«Les réalités de la suprématie, les menaces croissantes et les nouvelles opportunités se combinent pour donner aux Etats-Unis une responsabilité ‘systémique’, c’est-à-dire une responsabilité pour préserver la viabilité et la légitimité de l’ordre international libéral des Etats nations. Un échec dans la destitution de Saddam Hussein du pouvoir à Bagdad – et ainsi un échec dans la poursuite de la mission pour remplacer le régime du Ba’ath par au moins un régime proto-démocratique – changerait matériellement le rapport de forces global, pour user un langage soviétique. Parce que le pouvoir se mesure partout en relation avec les Etats-Unis, les événements régionaux ont une plus grande signification globale, au-delà même des liens supposés entre les ‘dominos’ de la guerre froide» (T. Donnelly, «The Underpinnings of the Bush Doctrine», AEI, National Security Outlooks, février 2003).

(jb)