Le Parti communiste révolutionnaire (PCR), ça fait quoi ?


Dans le précédent numéro, un article exposait les origines et les références politiques du PCR. Mais comme disait Engels: «la preuve du pudding, c’est qu’on le mange». C’est pourquoi cet article-ci s’intéresse à son fonctionnement et sa manière d’intervenir dans les mobilisations.

Congrès de fondation du PCR Suisse
Congrès de fondation du PCR Suisse

Tous les témoignages d’ancien·nes membres et les critiques externes concordent: le débat interne est très difficile dans la TMI (Tendance Marxiste Internationale). Cela n’a rien de surprenant: lorsque l’on décrète détenir par essence le savoir et la méthode, à quoi bon discuter? Toute discussion revient alors à les remettre en cause, donc à contester l’existence même de l’organisation.

Qui paye obéit

Ce fonctionnement sectaire est encore renforcé dans la TMI et les PCR par le fait que, de tout temps, l’organisation repose sur un nombre de permanent·es bien plus élevé que dans des partis similaires (plus de 250 permanent·es à plein temps à Royaume-Uni avant la scission dans les années 1990 ; un ratio d’environ un·e permanent·e pour 20 à 25 membres). Comme le PCR se veut être un parti de cadres politiques, ce sont là les cadres des cadres ; celleux qui ont assimilé les leçons de Lénine et Trotsky, les ont lus correctement (contrairement aux gauchistes que nous sommes!) et savent comment la révolution sera victorieuse…

En revanche, si peu d’énergies sont investies dans le débat, l’implication exigée des membres est forte. La première tâche d’un·e nouveau·elle membre est d’en recruter un·e autre le plus rapidement possible, mais aussi de payer une cotisation élevée pour financer un appareil coûteux. Cela ne suffisant toutefois pas, chaque réunion des membres est suivie du petit rituel des dons: une boîte passe dans laquelle chacun·e verse son obole et annonce à haute voix son montant, sous les regards (dés)approbateurs de ses camarades. Elle n’est pas chouette, l’ambiance?

Drôle de guerre de classe

La TMI et les PCR assènent régulièrement une phrase de Trotsky, tirée du Programme de transition de 1938: «la crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire». Mais alors qu’en est-il en pratique et pouvons-nous en tirer une leçon en matière de direction révolutionnaire? 

Commençons par la rue. Nous avons pu voir au printemps et à l’été dernier la présence nouvelle et systématique de militant·es du PCR dans presque toutes les manifestations. Loin de contribuer à les appeler, à les construire ou à les animer, ces moments sont essentiellement un moyen de recrutement. Sous l’appellation «intervention», il s’agit d’écumer les cortèges pour aborder un maximum de personnes et les démarcher avec le même «salut, est-ce que tu es communiste?» en phrase d’accroche. Une forme de recrutement pouvant souvent être très directe, voire agressive. Cette participation à «l’activité consciente des masses» semble donc sans rapport avec le contenu des mobilisations ou leurs revendications, mais purement instrumentale: gagner des membres. Non pas stimuler les mouvements, mais les écrémer au profit du seul PCR.

Pas de négociation 

Un autre exemple des formes réelles de l’intervention du PCR réside dans sa participation aux mouvements étudiants pour le boycott des universités israéliennes. Que ce soit à Lausanne, Genève, Fribourg, ou encore Bâle, ses militant·es y ont systématiquement défendu une ligne maximaliste, voire démagogique. L’article du dernier numéro expliquait que «se voulant le clone parfait du parti de Lénine à l’orée de la Révolution russe (…) le PCR singe à n’en plus finir la vulgate bolchévique». Dans le cadre de ces mouvements, les étudiant·es étaient la pointe avancée de la révolution, et toute revendication intermédiaire ou concession aux les directions des Universités représentaient une trahison petite-bourgeoise de la révolution à venir. C’est dire leur incapacité à étudier la composition concrète des mouvements, leur diversité et le rapport de force réel (très défavorable, en l’occurrence). Sous forme de harangues, leurs interventions ont plus participé à cliver qu’à construire ces mobilisations.

Le collectif étudiant de Fribourg a failli éclater au premier soir de sa mobilisation en raison de l’intransigeance et de la véhémence d’un petit groupe de militant·es du PCR. Autre exemple à Bâle, où c’est à la rentrée universitaire, après les occupations, que le PCR a clivé le collectif. Seul·es mais sans ciller, iels se sont doublement entêté·es: d’une part, dans un refus des revendications de la campagne PACBI, pourtant soutenue par tous les autres mouvements étudiants ; d’autre part, pour imposer la ligne stratégique (et londonienne) de la grève étudiante alors que les conditions objectives y étaient tout-à-fait défavorables. Paralysé et démotivé, le collectif universitaire n’a plus été capable de se mobiliser depuis.

C’est là le second sens de sectaire: être sûr·e de détenir la bonne stratégie, sans rapport à la réalité concrète et au mépris des autres orientations.

Daniel Süri    Guillaume Matthey