Tchernobyl, un sombre anniversaire
Tchernobyl, un sombre anniversaire
Dix huit ans déjà, depuis le second accident majeur de lindustrie nucléaire, Three Mile Island, en 1979, se termina accidentellement par un non-lieu, car, par chance, le coeur du réacteur, senfonça en terre. Tchernobyl le 26 avril 1986, lui, se termina en vraie catastrophe affectant directement des milliers de personnes1. Mais contrairement à dautres accidents industriels de la conquête de lénergie je pense ici à Marcinelle2 Tchernobyl provoqua à la fois un nombre énorme de victimes directes, liées à cet événement, et un nombre incalculable de victimes indirectes, qui ne peuvent être recensées.
En effet, laugmentation de la probabilité de cancers dus à laccroissement de la radioactivité induite lors du passage des nuages de Tchernobyl, ne permet pas de distinguer celui qui meurt dun cancer ordinaire de celui qui meurt dun cancer «dû à Tchernobyl».
Cependant, mon propos nest pas de faire une longue théorie sur les probabilités, mais bien de rappeler quels sont les grands scandales liés à cet événement dramatique. Plusieurs interrogations me viennent à lesprit, du court au long terme.
Trois interrogations
- Pourquoi tant de mensonges officiels autour de lévènement afin de minimiser la réalité?
- Pourquoi la communauté internationale est-elle incapable de prendre des mesures pour répondre aux urgences liées à cet incident?
- Enfin, lénergie nucléaire est-elle indispensable?
Pour la première interrogation, il faut dabord répondre à une question préliminaire: doit-on mentir pour éviter une panique pire que la catastrophe elle-même? Dans notre tradition de mensonge institutionnalisé, il est clair que cette solution fut adoptée pour communiquer avec un peuple dit souverain, mais tenu pour immature. Pas de panique pour Monsieur le Dauphin. Les nuages sont interdits de séjour sur lOccident, quelle que soit la météo, même si les vents dominants douest étaient pour la circonstance bien absents. Face à cette question, ce qui me paraît le plus intolérable, est que lon puisse considérer le peuple comme immature, et lui cacher quoi que ce soit. Ceci constitue un déni de démocratie.
En ce qui concerne la deuxième question, pourquoi la communauté internationale, sous les auspices de lONU, ne peut-elle jouer un rôle efficace pour combattre ce désastre alors quelle trouve les fonds pour larguer des bombes en ex-Yougoslavie? Est-il systématiquement plus facile de trouver des fonds pour guerroyer que pour soigner?
La troisième question pose la question plus générale de notre boulimie énergétique. Notre dogme économique est basée sur la croissance, celle-ci implique une consommation exponentielle dénergie. Cela nous conduit à détruire de plus en plus rapidement les ressources fossiles. En gros, nous avons détruit 50 % des ressources fossiles connues en 50 ans. Alors que le premier hominien connu aujourdhui date de 7 millions dannées. Ce rythme est totalement intolérable face à notre devoir de préservation de lécosystème pour les générations à venir.
Lirrationnalité capitaliste
La question globale pourrait se résumer à ceci: comment obtenir lénergie qui nous est nécessaire avec un risque minimum et dans le respect du patrimoine que nous léguons à nos descendant-e-s? Il est clair que la recherche fondamentale et appliquée peut, en moins dune génération, nous fournir des réponses adéquates à cette problématique. Dun point de vue purement théorique nous savons que nous recevons du soleil un flux dénergie équivalent à 2000 fois notre consommation. Sachant de surcroît que, dans la consommation occidentale, la majorité de la consommation est pur gaspillage il y a donc une marge théorique gigantesque. Les obstacles pour une solution rationnelle ne sont donc pas dordre scientifique mais bien dordre idéologique. Dun point de vue dogmatique, le régime (anti-)économique que nous connaissons ne peux tolérer aucune idée dapproche rationnelle de la notion de besoin. Ce régime est dopé à la croissance exponentielle et tient pour inexistantes les bornes pourtant bien réelles de notre espace vital, la petite planète bleue. Une fois de plus nous buttons sur lincompatibilité du système capitaliste et de la raison. Certes, dautres pensées économiques ne sont pas moins étrangères à la raison. Le «communisme réel» a fait ses preuves. Cependant, dans une infinité de solutions, léchec de ces deux aboutissements, le capitalisme et le «communisme-réel», laissent de la marge pour trouver des issues viables. Il faudrait pour cela un peu plus de respect du peuple et beaucoup defforts pédagogiques dans lart de vivre en commun.
Bref, la solution au problème de lénergie passe par le long détour de léducation des masses à lart dêtre ensemble pour le plus grand bien de chacun-e. Un point de vue radicalement incompatible avec la doctrine du «chacun pour soi et Dieu pour tous». Autrement dit, du «zut pour les plus faibles».
Jacques SILBERSTEIN
- Bref historique (source AFP):
28 mars 1979: fusion partielle du coeur du réacteur et contamination importante à la centrale nucléaire de Three Mile Island (Etats-Unis). Laccident, classé au niveau 5 de léchelle de gravité, ne fait pas de victime, mais 140000 personnes sont temporairement déplacées.
Août 1979: une fuite duranium dans un site nucléaire secret aux Etats-Unis près dErwin (Tennessee) contamine environ mille personnes.
Janvier-mars 1981: quatre fuites radioactives se produisent, entre le 10 janvier et le 8 mars, à la centrale nucléaire de Tsuruga (Japon). 278 personnes sont irradiées.
26 avril 1986: à Tchernobyl (Ukraine), un accident nucléaire sans précédent se déroule dans un réacteur à eau bouillante quaucune enceinte de confinement ne protège. Selon un bilan officiel, environ 200 personnes sont grièvement irradiées, 32 décéderont dans les trois mois qui suivent la catastrophe. Laccident se classe au niveau 7 de léchelle de gravité. - Le charbonnage du Bois du Cazier à Marcinelle: le 23 août, les sauveteurs atteignaient enfin létage 1.035 et ny trouvaient que des cadavres. Au final, ce sont 262 mineurs qui perdirent la vie à Marcinelle. Il y avait 136 Italiens, 95 Belges, 8 Polonais, 6 Grecs, 5 Allemands, 5 Français, 3 Hongrois, 1 Anglais, 1 Hollandais, 1 Russe et 1 Ukrainien. Cet accident, restera dans lhistoire comme la plus importante catastrophe minière connue par la Belgique.