Va bosser, Roland!

La déclaration du directeur de l’Union patronale suisse selon laquelle les salaires ne devaient pas nécessairement suffire pour vivre a suscité l’indignation. Pourtant, il n’a fait qu’exprimer ce qui est une réalité de longue date.

Des manifestants avec une banderole pour un salaire minimum vaudois
Manifestation du 8 mars 2025, Lausanne

Fait rare, le journal avide de clics Blick a publié une info passionnante. Blick a eu accès à des documents dans lesquels le directeur de l’Union patronale suisse, Roland Müller, se montre pour une fois honnête. Devant des parlementaires, pour la plupart elles et eux-mêmes étroitement lié·es à la classe capitaliste, il a déclaré que «[Payer] un salaire purement vital n’est pas la tâche des employeurs». Pour un homme qui n’a jamais travaillé comme salarié normal, c’est facile d’affirmer cela depuis sa Goldküste zurichoise. Monsieur Müller n’a absolument aucune idée de notre réalité de salarié·es – et encore moins de celle des travailleur·ses précaires.

Ce n’est en effet pas leur rôle

Le fait qu’il vive si loin de la réalité n’est pas une surprise, mais ce n’est pas le cœur du problème. Le problème principal est que son affirmation est en fait vraie.

La «tâche» des capitalistes n’est pas de payer de bons salaires. Leur «tâche» est de réaliser des bénéfices aussi élevés que possible afin de pouvoir survivre sur le marché. La fable du partenariat social entre entreprises et salarié·es masque le fait que leurs intérêts sont fondamentalement contradictoires. Plus de salaire pour les travailleur·ses, c’est moins de profit pour les capitalistes. De même, moins de coûts salariaux signifie plus de bénéfices.

Roland Müller n’a donc fait qu’exprimer un peu plus ouvertement ce que sont les intérêts des capitalistes. Si les capitalistes ne versent pas des salaires permettant de vivre, il suggère que «l’aide sociale doit prendre le relais».

Les salaires minimaux cantonaux, une pierre d’achoppement

Le contexte du débat dans lequel Roland Müller s’est exprimé est également intéressant: il était entendu par la Commission de l’économie du Conseil national dans le cadre du débat autour des salaires minimums cantonaux – décidés démocratiquement. La Confédération pouvait-elle les annuler parce que ceux-ci restreignaient la liberté des entrepreneur·ses par l’État et contrevenaient donc aux principes de l’économie de marché libérale? Le patronat exige que les votations populaires sur les salaires minimaux soient annulées (motion Ettlin). Certains cantons (Zurich, entre autres) ont déjà donné suite aux plaintes des entreprises en première instance. Cela montre une fois de plus que l’État bourgeois n’est pas un arbitre neutre, mais qu’il a pour mission de défendre les intérêts du capital.

La lutte des classes par le haut

De la némésis des salarié·es français Emmanuel Macron à Roland Müller en Suisse, en passant par le chancelier allemand Friedrich Merz, lié au fonds d’investissement BlackRock, les capitalistes et celles et ceux qui défendent leurs intérêts dégradent nos conditions de travail et de vie pour augmenter leurs profits. C’est la lutte des classes par le haut dans sa forme la plus pure. Répondons en conséquence.

August Bremel BFS Zurich
Publié sur sozialismus.ch
Traduction et adaptation de la rédaction

Vivre ou survivre, avec quel salaire?

Lors d’une récente conférence de presse, la naïveté de Pierre-Yves Maillard faisait peine à voir. «Qui est gêné à Zoug ou à Obwald par le salaire minimum voté à Genève? Personne. » Vraiment? L’agitation du camp bourgeois, en lutte contre le principe du salaire minimum inscrit dans des lois cantonales et leur primauté sur les salaires des CCT nationales, démontre le contraire. 

Toute régulation gène les capitalistes dans leur liberté d’exercer leur pouvoir de classe, surtout dans le domaine des rapports de travail. Car la Suisse reste un nirvana patronal. L’«État social» est un mince vernis, craquelé de toutes parts. Et leur défense soudaine des CCT ne fait même pas rire…

Le président de l’association patronale GastroSuisse, Beat Imhof est catégorique: «C’est au marché du travail de définir les salaires, pas à la politique». Les patron·nes, grand·es ou petit·es, invoquent toujours la liberté contractuelle. «Le marché», c’est eux!

Dans une société de classes, le droit au travail n’existe pas. La force de travail, selon la formule de Karl Marx, n’est rien d’autre qu’une marchandise. 

Si les réactions patronales ne surprennent pas, les syndicats de l’USS devraient aussi discuter d’autres questions de fond en lançant le référendum contre cette loi, découlant de l’adoption de la motion Ettlin par le parlement fédéral. Pourquoi certaines fédérations signent des CCT contenant des salaires minimaux inférieurs à ceux prévus dans les lois cantonales? Pourquoi les «partenaires sociaux» restent toujours sourds aux revendications de l’USS d’un salaire minimum de 4500 francs, et de 5000 francs pour une personne ayant un CFC?

José Sanchez