France

Une crise sociale et politique inédite depuis 1968

La validation par le Conseil constitutionnel du projet de réforme sur les retraites le 14 avril a porté un coup au mouvement social en cours depuis le 19 janvier. Pourtant, sur fond de violences policières et de répressions politiques, il faut continuer de s’organiser. 

Des étudiants portent des pancartes contre la réforme des retraites
Manifestation étudiante contre la réforme des retraites, Paris, 16 mars 2023

Sur fond d’une crise économique marquée par la flambée de l’inflation, la mobilisation depuis le 19 janvier a ouvert une crise sociale et politique d’une envergure inédite depuis 1968. Crise dont l’issue est loin d’être tranchée. 

Si les différentes étapes de la mobilisation ont approfondi la crise politique latente, avançant de plus en plus clairement vers une crise de régime, aucune perspective politique n’émerge du côté des salarié·e·s, jeunes, retraité·e·s, privé·e·s d’emploi, et de leurs organisations syndicales et politiques. C’est tout l’enjeu des semaines à venir pour contrer la menace de l’extrême-droite qui progresse, au moins dans les sondages. 

Forces et faiblesses de la mobilisation

Le cadre intersyndical, inédit depuis 2003 avec sept confédérations et une Union Syndicale, a permis la mobilisation de plusieurs millions de grévistes et de manifestant·e·s exprimant leur colère contre le projet de réforme des retraites à 12 reprises depuis le 19 janvier. Plus de 70 % et 9 salarié·e·s sur 10 se sont opposé·e·s à cette loi de manière continue. Une opposition massive visibilisée par l’ancrage territorial de la mobilisation dans les villes de toutes tailles et dans le périurbain.

En janvier-février, les taux de grévistes ont été très élevés dans certains secteurs. L’appel à mettre le pays à l’arrêt a redynamisé la mobilisation, particulièrement autour des journées de grèves reconductibles des 7, 8 et 9 mars. Le 16 mars, le coup de force de l’adoption par 49.3, pourtant attendu, a marqué un tournant dans la mobilisation. On a assisté à une multiplication des manifs spontanées, à un renforcement de la confrontation contre ce gouvernement autoritaire. 

La journée 23 mars a vu un nouveau pic d’affluence. Des actions de blocage en soutien aux grèves des éboueurs, de l’énergie ou des transports sont devenues les relais entre deux journées de mobilisation de l’intersyndicale, sans qu’un cadre d’auto-organisation ne parvienne à émerger, laissant de fait à l’intersyndicale et à son agenda plus modéré l’initiative de la stratégie et du tempo. 

Macron et son gouvernement de guerre au monde du travail

Depuis le 49.3, nous sommes dans une séquence de politisation du conflit sur fond d’accélération et de montée de la répression et du niveau de violences policières, avec des interpellations et des blessé·e·s par milliers. Mais c’est Macron et son gouvernement qui paraissent affaiblis politiquement : quand Macron prétend s’adresser « au peuple », la réponse c’est le 23 mars. Quand il tente d’endosser une stature de dirigeant international, il doit annuler la visite du monarque anglais, répondre à l’intersyndicale qui refuse de discuter avec la première ministre alors qu’il est en Chine, ou être protégé contre des manifestant·e·s aux Pays-Bas ! 

Quand la légitimité politique est contestée à ce point, il reste les passages en force permis par tous les ressorts de la Constitution française et le recours à la violence physique et politique. La meute présidentielle se déchaîne derrière Darmanin. Tout est bon pour tenter de disqualifier une supposée ultra-gauche, représentée par les jeunes qui ne s’inscrivent dans aucun cadre syndical ni partisan, et une extrême-gauche, qui engloberait toutes les nuances de la NUPES (France Insoumise, Parti Communiste, Europe Ecologie les Verts et une moitié du PS) et serait responsables du moindre feu de poubelle et pour dénoncer l’intersyndicale qui serait incapable de les arrêter. 

L’acmé de ce déferlement de propos haineux et de violences policières a eu lieu autour de Sainte-Soline le 25 mars (200 blessé·e·s et 5000 grenades en deux heures). Depuis, c’est l’agitation de la menace de violences à chaque manifestation avec des policiers de plus en plus déchaînés, couplée à des menaces de répression politique, à l’image de l’annonce du projet de dissolution des Soulèvements de la Terre qui ont organisé Sainte-­Soline et de remise en cause des subventions de la Ligue des Droits de l’Homme (125 ans d’âge !) qui avait documenté et dénoncé les violences policières.

La validation par le Conseil Constitutionnel d’une loi promulguée dans la nuit suivante par un Macron rageux ferme cette séquence, sans dénouer la crise politique, ni éteindre la colère sociale. Pour continuer la lutte, le NPA propose une rencontre des organisations syndicales, politiques et associatives engagées dans la lutte pour discuter de cette nouvelle séquence politique et des réponses, à commencer par la préparation du 1er Mai. Pourquoi pas toutes et tous à Paris: « Macron, on vient te chercher chez toi » comme on le chante ?

Cathy Billard