LPP 21
Une réforme scandaleuse de plus
Le 17 mars dernier, quelques jours avant l’annonce par le Conseil fédéral d’un train de mesures austéritaires et celle du rachat de Credit Suisse par UBS, le parlement adoptait la réforme de la prévoyance professionnelle LPP 21. Mauvaise de bout en bout, elle passe totalement outre le compromis trouvé par les « partenaires sociaux ».
Le principal changement du projet est la réduction brutale du taux de conversion de 6,8 % à 6 %, c’est-à-dire une baisse massive des rentes. Celle-ci est justifiée par les faibles rendements sur les marchés des capitaux et l’allongement de l’espérance de vie. Faire porter la baisse des taux de profit par les travailleurs et travailleuses, voilà la solution toute trouvée pour éviter de devoir toucher aux bénéfices. Car la réforme renonce à s’attaquer aux dispositions sur la quote-part minimale, la fameuse legal quote, qui fonctionne comme une véritable garantie de bénéfice pour les assureurs privés en leur réservant au moins 10% des excédents d’exploitation.
Elle ne s’attaque pas non plus aux frais de gestion exorbitants de la prévoyance professionnelle, estimés à près de 7 milliards en 2020, comme le note un rapport du Contrôle fédéral des finances de janvier 2023. Elle renonce enfin à corriger les primes de risque liées au décès et à l’invalidité, qui sont actuellement trop élevées et dont les excédents sont captés pour l’essentiel par les assureurs privés.
Une attaque contre les retraité·e·s, les jeunes…
et l’AVS
Alors qu’elle baisse les rentes, la réforme augmente les cotisations en élargissant le salaire assuré par la baisse de la déduction de coordination – la part du salaire sur laquelle employeurs et employé·e·s ne paient pas de cotisations LPP. Celle-ci n’est plus une somme fixe mais correspondrait désormais à 20 % du salaire AVS. À cela s’ajoute une baisse du seuil d’entrée minimal (le salaire annuel à partir duquel une personne doit cotiser). Cela pourrait paraître bénéfique pour les petits revenus, en particulier les femmes. Dans les faits, cet élargissement de la base des cotisant·e·s (100 000 personnes en plus selon les estimations du Conseil fédéral) permettra surtout de capitaliser une part significative de ces petits revenus, alors que la rente sera extrêmement faible.
La contre-réforme proposée s’attaque également aux 25 - 34 ans, qui verront leur salaire assuré augmenter : leur taux de cotisation passerait de 7 à 9 %, avec un supplément de 0,24 % lors de la première année de mise en œuvre.
Celui-ci servira à financer les mesures pour les 15 générations transitoires qui auront droit à un supplément de rente, d’un maximum de 200 francs par mois…
Précisons que nous ne sommes pas opposé·e·s à la hausse du taux de cotisation en soi. Nous avons défendu une telle hausse pour l’AVS ainsi que pour notre projet d’assurance de remboursement des soins dentaires. Mais ici, cette hausse renforce la logique de capitalisation, contre celle, beaucoup plus équitable et juste, de redistribution de l’AVS.
À court terme :
gagner la bataille référendaire
Face à une telle réforme, la gauche sociale-démocrate, Vert·e·s et Socialistes en tête, ainsi que les syndicats ont décidé de lancer un référendum. La partie sera toutefois difficile. Le soutien apporté à la réforme par les deux co-présidentes d’Alliance F, la voix des femmes dans la politique suisse, la verte Maya Graf et la verte-libérale Kathrin Bertschyc, complique les choses. Toutefois, ce soutien sera partiellement compensé par les hésitations de la petite-bourgeoisie, notamment dans la restauration, l’agriculture, et, plus généralement, par les PME réticentes à l’idée de devoir augmenter leurs cotisations salariales.
À long terme :
proposer un nouveau système de retraite
Faire aboutir le référendum et gagner la potentielle votation en 2024 ne calmera toutefois pas la droite et le grand patronat. La bourgeoisie sait en effet se montrer patiente et gagner à l’usure. Lorsqu’un projet échoue, elle trouve toujours les moyens d’en proposer un similaire quelques années plus tard. Les résultats de la votation sur AVS 21, cinq ans après ceux de PV 2020, en sont un bon exemple. D’où la nécessité pour notre camp de proposer un système transparent, égalitaire, juste, écologique et surtout qui puisse être compris par tout le monde.
Ce système consiste en l’intégration des fonds du deuxième pilier dans celui de l’AVS. Concrètement, cela permettrait d’avoir un système de retraites basé uniquement sur la redistribution, déconnecté des fluctuations des marchés financiers et de leurs investissements écocides, avec une fourchette de rentes (par exemple entre 4000 et 8000 francs mensuels), et des taux fortement progressifs.
D’ici là, signons en masse le référendum afin d’envoyer un message clair à la droite de ce pays pour leur dire que nous ne voulons pas de leur contre-réforme qui remplit les poches des assureurs !
Térence Durig