2e pilier

De mal en pis

Mauvaise dès le départ, la réforme LPP 21 prend l’eau. Les modifications apportées par le Conseil national en décembre ne font qu’aggraver les défauts du 2e pilier. Tout est à jeter.

Un carton avec le slogan "Brûlons les caisses de pension"
Manifestation contre AVS 21, Berne, 18 septembre 2021

Regine Sauter (directrice PLR de la Chambre de commerce zurichoise) le rappelle devant le parlement : « Le système du 2e pilier n’est pas financé de façon solidaire. Chacune et chacun épargne son propre capital-vieillesse, pour financer sa propre rente. » En principe, il n’y aurait donc pas besoin de réforme puisqu’il ne s’agit que d’une banale épargne individuelle. 

Sauf que, ces dernières années, des « redistributions étrangères au système » ont été provoquées par l’augmentation de l’espérance de vie et par la baisse des rendements des capitaux. Redistribution sur trois niveaux : des revenus élevés vers les petits et moyens ; des hommes vers les femmes (moins présentes dans la partie surobligatoire) et des personnes actives vers celles à la retraite. Ce qui fait dire à l’Association suisse des institutions de prévoyance (ASIP) que « l’objectif central de la réforme, c’est de diminuer les redistributions ».

Compromis flingué

Le Conseil national n’a pas voulu du compromis des « partenaires sociaux » (voir solidaritéS nº 381). Plus précisément, il a seulement conservé les aspects négatifs. Le supplément de rente financé solidairement est balayé : la droite ne veut pas d’une « mini AVS dans le 2e pilier ». Elle le remplace par un complément médiocre qui ne sera versé qu’aux personnes dont le niveau de rente ne dépasse quasi pas le minimum légal. 

Le renforcement de la capitalisation est aggravé : augmentation de la partie du salaire obligatoirement assurée et abaissement du seuil d’accès (12 548 francs annuels au lieu de 21 330). La droite fait également passer la jeunesse à la caisse avec le début de l’obligation d’épargner dès 20 ans (25 actuellement) et l’augmentation du taux de cotisation de 7 à 9 % jusqu’à 35 ans. Le tout couronné par la fameuse baisse du taux de conversion de 6,8 à 6 %, qui va entraîner une baisse sensible de l’ensemble des rentes (directement ou indirectement).

Grand artisan du compromis des « partenaires sociaux », Pierre-Yves Maillard est dépité : « Le mépris pour l’Union patronale suisse est total – je suis choqué de voir la manière dont cette organisation est traitée par les partis de droite. » La droite se montre effectivement très sûre d’elle. Un peu trop peut-être…

Quittez ces illusions

Les rentes projetées ne cessent de baisser malgré une augmentation continue des cotisations dès 2006. Le 2e pilier capte maintenant la plus grande partie des prélèvements salariaux pour la prévoyance-vieillesse (59,5 milliards en 2019 contre 32,5 pour l’AVS). Nous devons changer de cap : pas un centime de plus dans le gouffre de la capitalisation !

Il faut aussi critiquer l’erreur d’appréciation « féministe » défenådue notamment par la Verte Léonore Porchet : « Il est primordial de permettre aux femmes et aux travailleuses à temps partiel de profiter du 2e pilier. » On ne peut pas profiter du 2e pilier si on a un petit revenu. Avec la réforme bourgeoise, le salaire différé augmenterait certes un peu. Mais cette augmentation serait engloutie par les marchés financiers, par les frais de gestion exorbitants (plus de 6 milliards par an) et ne produirait, dans 20 ou 30 ans, qu’une amélioration minime de rentes misérables. 

La seule réponse immédiate à la baisse des rentes dans le 2e pilier, c’est l’augmentation des rentes AVS. La voie la plus rapide et la plus efficace pour améliorer les rentes des femmes, c’est le renforcement de l’AVS.

Pierre-André Charrière

Plaisants échecs

Deux initiatives bourgeoises ont heureusement mordu la poussière récemment. Celle de Workfair50+, qui voulait obliger la jeunesse à cotiser au 2e pilier dès l’âge de 18 ans. Et l’initiative « Prévoyance oui, mais équitable » qui a échoué également au stade de la récolte de signatures. Elle visait à inscrire trois principes dans la Constitution fédérale : le financement par capitalisation, la possibilité de baisser les rentes en cours et l’adaptation automatique de l’âge de la retraite à l’espérance de vie. C’est-à-dire exactement le contenu de l’initiative dite « des générations », lancée en 2021 par un comité présidé par Josef Bachmann, ancien gérant de la caisse de pension de PwC.

2e pilier et capitalisme

Olivier Ferrari, de Coninco Finance, l’affirmait déjà dans la campagne PV 2020 : « Si nous croyons au capitalisme, alors on peut croire au régime de capitalisation. » Jacques Grivel, directeur de Fundo SA, en remet une couche lors du Forum prévoyance organisé en septembre 2021 par le journal Le Temps : « À mon avis, les caisses de pension ne croient pas assez au marché et au capitalisme. »

Ce qui revient à dire que si l’on ne croit pas vraiment (ou même pas du tout) au capitalisme, il vaut mieux miser sur l’AVS et son régime solidaire de répartition.