AVS 21
Comme un goût de réchauffé
Jamais deux sans trois, comme le dit si bien l’adage. En cadeau de Noël, le parlement nous a offert une réforme de nos retraites inique et machiste. Le référendum est lancé ! Décryptage d’un énième scandale.
La droite est-elle dure de la feuille ou tente-t-elle la stratégie de l’usure ?
Rappelez-vous, ce n’est pas la première fois que nous votons. En 2004 déjà, la 11e révision de l’AVS prévoyait une hausse de la TVA, l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, les rentes de veuve/veuf devaient être abaissées de 80 % à 60 % de la rente de vieillesse et la flexibilisation de l’âge de la retraite commençait à émerger. Soumise à votation, cette réforme est refusée par 67,9 % des voix ! En 2017, PV 2020 est envoyée et affine un peu plus les propositions de 2004 en prévoyant une hausse de la TVA de 0,6 %, l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes ainsi que la flexibilisation de l’âge de retraite – comme c’est original ! – et une hausse des cotisations salariales pour l’AVS de 8,4 % à 8,7 %. En votation, cette réforme est refusée par 52,7 % des voix ! La stratégie de l’usure semble fonctionner…
Avec AVS 21, rien de nouveau sous le sapin. Le paquet prévoit une augmentation de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans en calculant ainsi une économie de 10 milliards (sur 10 ans) sur le dos des femmes ainsi qu’une augmentation de la TVA. Celle-ci atteignait 0,7 % dans le projet de loi, (ce qui représente des recettes supplémentaires de 21 milliards), puis sous la pression du Parlement, elle a été rabotée à 0,4 %, ce qui devrait rapporter environ 1,4 milliard par an.
Cela ne s’arrête pas là : l’idée d’un âge de la retraite fixe semblant de plus en plus insupportable à la droite, la réforme prévoit d’une part la suppression de la notion d’âge légal de la retraite, remplacé par un « âge de référence » afin d’inciter à travailler au-delà de 65 ans, et d’autre part la flexibilisation de l’âge de référence de 62 ans à 70 ans, avec prolongation permettant de combler certaines lacunes de cotisations, poussant de cette manière les personnes les plus précaires à travailler bien au-delà de 65 ans.
Seule maladresse, un régime de compensation tellement risible que même la gauche institutionnelle et les « partenaires sociaux » ne pouvaient raisonnablement pas signer cet accord. La période de transition couvre neuf années. Cela veut dire que si la réforme entre en vigueur en 2023, les compensations iront aux femmes nées entre 1960 et 1968, avec un supplément mensuel à vie pour celles qui prendront leur retraite à 65 ans. Un supplément de 160 francs pour un revenu annuel jusqu’à 57 360 francs, de 100 francs jusqu’à 71 700 francs et de 50 francs dès 71 701 francs. Le montant de ces suppléments étant dégressif, les 4 dernières cohortes (de 1964 à 1968) toucheront un supplément réduit.
Concernant les retraites anticipées, les femmes de la génération transitoire seront un peu moins pénalisées qu’actuellement, les taux de réduction étant dépendants du moment où ces femmes quitteront le marché du travail (entre 62 et 64 ans) et du montant du revenu.
On nous dit vouloir pérenniser notre 1er pilier, mais est-ce vraiment la solution ?
Nous devons sortir de ce discours du catastrophisme financier nous annonçant la mort de l’AVS si nous ne prenons pas des mesures drastiques et immédiates. Ce n’est pas vrai ! En 2020, le fonds de compensation AVS a fait 1,9 milliard. Mais nous aurions tort de ne pas nous soucier des finances de ce dernier à long terme, il est absolument nécessaire de renforcer le pilier le plus redistributif et égalitaire, car la tendance actuelle est à son affaiblissement et son démantèlement, contrairement au 2e pilier systématiquement renfloué !
Cette réforme est perverse à plus d’un titre. D’une part, elle remet en question le mode de financement paritaire de l’AVS à part égale entre employeur·euse et employé·e, en faisant peser le coût de cette dernière sur le dos des personnes les plus précaires. D’autre part, elle ne résout pas le problème financier de cette dernière et ne propose pas une solution capable de la pérenniser.
La manière la plus directe et sûre de renforcer l’AVS aurait été d’augmenter les cotisations paritaires de 0,9 %, mais la droite ne le voit pas de cet œil-là. Pour rappel, depuis 1993, les cotisations salariales pour le premier pilier n’ont pratiquement pas bougé et sont restées stables, alors que pour le deuxième, elles n’ont cessé d’augmenter passant, en moyenne annuelle, de 7930 francs en 1993 à 10 900 francs en 2013. Une dynamique systématiquement soutenue par la droite. Le plus drôle est qu’au départ, le projet AVS 21 prévoyait une augmentation de la TVA de 0,7 % puis sous la pression du parlement à majorité de droite, cette augmentation a été rabotée à 0,4 %. Qu’on se le dise, ça ne suffira pas ! Il ne s’agit que d’une énième tentative de fragilisation.
Solenn Ochsner