Stop aux démolitions, stop à la spéculation
Comment maintenir ses profits en tant que propriétaire immobilier alors que tous les immeubles sont occupés et que la construction ralentit? Simple, il suffit de démolir pour reconstruire à neuf!

Genève se caractérise par une forte pénurie de logements, avec un taux de vacance de 0,34%, ce qui signifie que le nombre de logements disponibles n’a jamais été aussi bas depuis 2012. En même temps, les terrains constructibles en ville se raréfient, et les projets de déclassement de terrains en zone-villas se heurtent à des oppositions fortes de la part des propriétaires.
Deux projets similaires
Toujours à la recherche de solutions pour augmenter leurs rendements, certains propriétaires immobiliers institutionnels optent désormais pour des projets de démolitions/reconstructions. Deux projets de ce type ont fait parler d’eux récemment: l’un, à la Place des Augustins, où le propriétaire (Zurich Assurance) a résilié les baux des locataires en vue de démolir un immeuble datant du début des années 1950, et comptant une septantaine d’appartements occupés par des locataires à revenus modestes, pour le reconstruire à neuf. L’autre, dans le quartier de la Servette, où un fonds appartenant à UBS, propriétaire de plusieurs immeubles datant de la fin des années 1950, a obtenu l’autorisation de démolir une partie des bâtiments en vue de les reconstruire.
Des habitant·es se mobilisent
Dans les deux situations, des associations de locataires se sont formées pour s’opposer à ces projets, par la voie légale, mais aussi en lançant une pétition et en cherchant à mobiliser l’opinion. Leur combat doit être soutenu, car ce type de projet de démolition/reconstruction aboutit, à terme, à évincer les locataires les plus modestes au profit de locataires plus aisé·es, et contribue ainsi à la «gentrification» de la ville.
Même si Genève dispose d’une loi cantonale (la LDTR) qui impose un contrôle des loyers pour les nouveaux appartements créés suite à une démolition/reconstruction, celui-ci est limité dans le temps (maximum 10 ans).
Une étude de l’EPFZ publiée cet été, menée dans cinq grandes villes, dont Genève, a montré que les revenus des nouveaux locataires ayant emménagé après reconstruction ou rénovation lourde des immeubles étaient nettement supérieurs, de l’ordre de 70%, à ceux des locataires précédents.
Par ailleurs, d’un point de vue écologique, les démolitions/reconstructions constituent une aberration, et ne devraient être admises que dans des cas tout à fait exceptionnels.
Le combat des habitant·es des Augustins et de la Servette a ainsi une portée qui dépasse le sort des locataires des immeubles concernés, mais qui pose également la question du «droit à la ville», et en particulier du droit des couches populaires à ne pas se faire évincer du centre-ville et expulser à la périphérie sous la pression des intérêts financiers des grands propriétaires immobiliers.
Anne-Marie Barone