Salaire minimum et rejet de l’austérité: même combat!

En plus de la mobilisation contre le PAFE, transformée en référendum le 20 octobre, les citoyen·nes fribourgeois·es voteront le 30 novembre sur l’adoption d’un salaire minimum cantonal. Alors que le principe même d‘une telle mesure est attaqué par la bourgeoisie à l’Assemblée fédérale.

Une manifestante contre les mesures d'économie du canton de Fribourg
Une partie du personnel des EMS devrait voir son salaire augmenter en cas d’acceptation du salaire minimum. Manifestation contre le PAFE, Fribourg, 4 juin 2025

«Pouvoir vivre de son travail ». C’est ainsi que le comité d’initiative fribourgeois défend l’instauration d’un salaire minimum de 23 francs par heure. Il estime que plus de 6500 personnes – travailleur·ses de la restauration, du commerce de détail, de la coiffure, de maisons de retraite, de crèches ou encore du nettoyage – devraient voir leur salaire augmenter en cas d’acceptation de l’initiative. 

Comme dans d’autres cantons où ce principe a été introduit avec succès (Genève, Neuchâtel, Bâle-Ville et Jura), ses défenseur·ses en soulignent la dimension féministe, les femmes étant fréquemment assignées aux métiers à bas salaire et à temps partiel. De même, il faudrait relever la dimension racialisée de cette division du travail, les secteurs les plus pénibles et les moins rémunérés, comme celui du nettoyage, étant majoritairement composés de personnes non blanches et/ou immigrantes.

Une mesure insuffisante, mais déjà insupportable pour la bourgeoisie

Un salaire de 23 francs par heure (4000 francs par mois pour 40 heures de travail par semaine) est évidemment insuffisant pour vivre dignement dans un pays où les primes d’assurance maladie ne cessent d’augmenter, où la spéculation fait grimper en flèche le prix des loyers, et où le prix des produits de première nécessité ne cesse d’augmenter. Il ne faut pas oublier que les secteurs économiques qui seraient touchés par cette mesure sont aussi ceux qui connaissent le plus de taux partiel. En outre, comme dans d’autres cantons, les initiant·es sont contraint·es, par un jeu juridique complexe, de prévoir des exceptions à ce principe. Surtout, cette somme ne représente rien par rapport à la valeur produite par ces travailleur·euses ! Même avec un taux horaire de 23 francs, les patrons de ces secteurs pourront continuer à accaparer une part essentielle de la plus-value.

Et pourtant, il faut les entendre se lamenter à longueur de journée. Au Grand Conseil fribourgeois, la coprésidente du comité d’opposition à l’initiative et députée du Centre Annick Remy-Ruffieux explique fièrement que cette mesure aboutirait à « affaiblir les plus vulnérables ». Et la droitiste de donner l’exemple de sa propre entreprise Ruffieux Fenêtre, au sein de laquelle elle engage des salarié·es à … 12 francs de l’heure. Y travaille notamment « un autiste avec qui on s’est mis d’accord pour [ce] salaire » et dont cette occupation l’empêcherait selon elle de rester seul dans sa chambre. Si ce mépris ne suffisait pas, « j’ai aussi en tête un tétraplégique, dans une même situation ». La co-présidente du comité d’opposition arrive même à présenter la surexploitation de personnes vulnérables comme une mesure de bienfaisance et d’intégration sociale.

L’épée de Damoclès de la motion Ettlin

Au niveau fédéral, le principe même de salaire minimum cantonal est farouchement attaqué par la bourgeoisie. La même donc qui dit habituellement défendre le respect de nos institutions et la souveraineté des cantons. Le 17 juin 2025, le Conseil national a adopté la motion Ettlin, qui vise à modifier la Loi fédérale portant sur le champ d’application des conventions collectives de travail (CCT), pour étendre les dispositions des CCT à tous·tes les employé·es d’un secteur, et non seulement aux membres des organisations qui en sont signataires. L’objectif est de faire prévaloir les salaires minimums des CCT sur les lois cantonales en cette matière. 

Si cette modification est adoptée, les CCT devraient donc primer sur les lois cantonales, notamment celles qui prévoient un salaire minimum. C’est une attaque brutale contre la volonté populaire qui a accepté ce principe de salaire minimum cantonal dans plusieurs cantons. Cette manœuvre vise aussi à empêcher l’adoption de ce principe à Fribourg, mais aussi dans le canton de Vaud où solidaritéS a été à l’initiative d’un comité pour le même objectif et où l’initiative a pu être déposée.

Défendre notre monde contre le leur

La grève des travailleur·ses du service public et parapublic montrait que nous ne voulons pas de leur monde cynique et maltraitant. Les mobilisations massives contre l’austérité dans plusieurs cantons témoignent que nous voulons un service public fort, capable de prendre soin de nos anciens, de nos enfants, de nos étudiant·es, et de toutes les personnes vulnérables. Contre le cynisme dégueulasse d’une Annick Remy-Ruffieux, nous revendiquons pouvoir accompagner les personnes porteuses d’un handicap ou neurodivergentes selon leurs besoins et non selon l’impératif de les mettre au travail.

L’adoption du salaire minimum et le rejet des budgets austéritaires ne sont donc que la première étape de la conquête de notre monde !

Anouk Essyad