Pain et chocolat: une suissitude très sélective!

Pain et chocolat: une suissitude très sélective!

Deux modifications constitutionnelles sont soumises aux votations le 26 septembre prochain. La première prévoit que la Confédération édicte les principes régissant la naturalisation des étrangers-ères par les cantons. De surcroît elle inscrit dans la Constitution la naturalisation facilitée par les cantons des jeunes étrangers-ères ayant grandi en Suisse. La seconde prévoit que la Confédération règle l’acquisition de la nationalité par la naissance en Suisse. Pour cela, le père ou la mère de l’enfant doit avoir grandi lui-même en Suisse. Ces deux modifications ont une portée extrêmement limitée. Le mouvement solidaritéS appelle à un double OUI, même si nous sommes parfaitement conscients que les faiseurs de Suisse ont encore de beaux jours devant eux…

Rien de très bouleversant… pour les «secondos» et les «secondas»

En effet, pour pouvoir bénéficier de la naturalisation facilitée, les jeunes étrangers-ères (immigré-e-s de la deuxième génération) pourront former une demande entre l’âge de 14 et 24 ans, à condition qu’ils-elles aient accompli au moins cinq ans de scolarité obligatoire en Suisse et soient titulaires d’une autorisation de séjour ou d’établissement ou d’un autre droit de séjour durable. Un des parents devra en outre être ou avoir été également titulaire d’un titre de séjour de cette catégorie. De surcroît, ces jeunes étrangers-ères devront être domicilié-e-s pendant deux ans au moins dans la commune de naturalisation et être familiarisé-e-s avec les conditions de vie en Suisse ainsi qu’avec une langue nationale. Quatorze cantons connaissent déjà, d’une manière ou d’une autre, cette naturalisation facilitée pour les jeunes de la seconde génération.

Un droit du sol très restreint pour la troisième génération

Chaque année il naît en Suisse environ 2500 enfants étrangers dont la mère ou le père ont déjà grandi en Suisse et dont les grands-parents ont immigré dans ce pays. L’acquisition automatique de la nationalité suisse pour ces enfants sera toutefois soumise à deux conditions, à savoir que l’un des parents ait accompli au moins cinq ans de scolarité obligatoire en Suisse et qu’il soit titulaire d’une autorisation de séjour ou d’établissement depuis cinq ans au moment de la naissance de l’enfant.

Favoriser l’accès à la nationalité, mais de manière sélective…

Introduire des critères basés sur le titre de séjour signifie l’exclusion, dans les faits, de la possibilité de naturalisation pour tous les jeunes étranger-ères, installé-e-s durablement, voir né-e-s en Suisse, scolarisé-e-s, remplissant objectivement les conditions de durée de résidence, mais ne disposant pas d’un titre de séjour durable ou dont les parents ne disposent pas d’un titre de séjour durable. Dès lors pourraient, par exemple, être exclues les personnes séjournant provisoirement en Suisse (permis F), situation certes provisoire mais qui peut se prolonger durant de nombreuses années, ou encore celles dont le séjour, connu de l’autorité, est toléré, par exemple, un séjour dans le cadre d’une procédure de régularisation de sans-papiers. Ainsi la route sera barrée, très largement, à une grande majorité de jeunes, ressortissant-e-s de pays non-membres de l’Union européenne. En quoi un-e adolescent-e, ayant passé la majeure partie de sa vie en Suisse au bénéfice d’un permis précaire, se sentirait-il/elle moins «suisse» du fait de la situation administrative de ses parents? Quant à l’appréciation du degré de «familiarisation avec les conditions de vie en Suisse», elle continue à relever de l’arbitraire le plus total.

Pour l’égalité des droits!

L’interdiction de toute discrimination à l’encontre des étrangers-ères ainsi que la reconnaissance d’une égalité des droits politiques et sociaux pour toutes et tous, quelle que soit la couleur de son passeport, sont indispensables pour permettre de développer de véritables liens de solidarité. L’UDC, exploitant son fond de commerce xénophobe, fait campagne contre les deux modifications constitutionnelles soumises en votation le 24 septembre. Bénéfice électoral obligé et garanti! Pour contrer véritablement cette démagogie qui tire notamment sa force de l’insécurité sociale actuelle, ainsi que des peurs construites autour du thème de la «sécurité», il est vain d’agiter l’argument de l’intégration des «bons» étrangers par la naturalisation facilitée. Le racisme quotidien, nourri par le racisme d’Etat, ne peut être effectivement combattu que par des solidarités construites et vécues dans des actions concrètes et collectives, rassemblant chacun et chacune indépendamment de sa nationalité.

Jean-Michel DOLIVO