Le Parti socialiste suisse à la remorque de Ruth Metzler
Le Parti socialiste suisse à la remorque de Ruth Metzler
Le comité directeur du parti socialiste suisse (PSS) a adopté en décembre 2001 un document intitulé «Vers une conception de la politique des migrations». Ce document qui nest encore quun projet fait lobjet de nombreuses critiques au sein du PSS, en particulier de la part de ceux et celles qui se sont engagé-e-s pour la défense des droits des immigré-e-s, notamment des sans-papiers. Ainsi, lors dun séminaire tenu à Berne début mars, la grande majorité des militant-e-s présent-e-s sy sont opposé-e-s. Ce document a pour fonction de définir la position de ce parti dans le cadre du débat parlementaire qui va souvrir, dans les mois à venir, sur la nouvelle Loi sur étrangers (LEtr).
Acceptation de la discrimination selon la nationalité
«Le PS salue la libre circulation des personnes ressortissantes dun Etat de lUnion européenne. Il ne demande pas que la libre circulation soit étendue à la totalité des personnes étrangères, mais il exige que toutes les personnes étrangères disposant dun droit de séjour en Suisse, aussi longtemps quelles vivent ici, y soient traitées comme les ressortissantes de lUnion européenne »(p.3). Cela ne signifie rien dautres que l acceptation pure et simple du cadre juridique mis en place par la LEtr, à savoir une législation dexception sappliquant en fonction de la nationalité de la personne concernée et ayant pour objectif déclaré de dresser un obstacle à toute autorisation de séjour pour les ressortissant-e-s de pays non-membres de lUnion européenne. Ces derniers-ères sont dès lors condamné-e-s à une immigration clandestine, au travail au noir, au statut de sans-papiers, victimes dun véritable déni de droit et soumis-es à des conditions de vie et de travail des plus précaires.
Selon le PSS « la politique des migrations doit empêcher que lon fasse venir de la main duvre en sachant quelle sera au chômage ou dépendante de laide sociale à la prochaine restructuration ou fluctuation conjoncturelle»(p.9). Travaillez ou partez ! Le maintien, voire laccroissement, dun volant de main duvre sans-papiers est de ce point de vue tout à fait fonctionnel, par rapport à cet objectif «socialiste» : ces travailleurs nont en effet, par définition, pas accès aux prestations sociales. Cette préoccupation du PSS est dailleurs tout à fait partagée par le Département de Ruth Metzler, puisque le projet de LEtr prévoit que les autorités ont la possibilité de révoquer toutes les autorisations de séjour lorsque «la personne concernée doit recourir dans une large mesure à lassistance publique»(art.58 al.1 let.f).
Politique dimmigration fondée sur les besoins des entreprises
Le document du PSS sinscrit, dans la définition des statuts et des conditions mises à la délivrance dun permis, absolument dans la ligne dune politique migratoire déterminée en fonction des besoins du marché du travail. Proposant trois catégories de séjour (séjour permanent, de courte durée et transitoire) il définit ainsi le séjour transitoire. «Le nouveau séjour transitoire doit permettre dabsorber ou damortir les secousses des processus dajustement économique»( ) «Il doit sagir dune autorisation limitée dans le temps et à certaines entreprises, de façon à donner à ces dernières le temps de procéder à leur conversion» (p.12). On ne saurait être plus explicite! Des travailleurs-euses dépendant-e-s entièrement, par leur statut de séjour, de leurs employeurs pour permettre à ceux-ci de restructurer leurs entreprises, à moindres coûts bien entendu ! Et cette restructuration impliquera à terme leur licenciement et la perte de leur permis
Quelques perles…
«Une politique des migrations globales doit prendre en compte limmigration spontanée (personnes réfugiées et cherchant protection)»(p.3) Les réfugié-e-s kurdes, par exemple, apprécieront le caractère spontané de leur émigration et de la répression sanglante dont ils-elles sont victimes de la part du régime dAnkara! Ou alors de véritables trouvailles sociologiques, celle partant notamment du concept «des nomades modernes spécialisés»(p.12), les immigrés «qui restent dans un pays un certain temps pour un projet donné, puis repartent»(p.12). Le PSS ne va tout de même pas jusquà proposer leur sédentarisation forçée!
Ce sont des femmes et des hommes qui émigrent et immigrent!
Le plus frappant, dans lorientation du document du PSS, cest limpasse faite sur les raisons pour lesquelles des centaines de millions de femmes et dhommes sont contraints à lexil et à lémigration et sur la nécessité de répondre, dabord et avant tout, par la reconnaissance de leurs droits fondamentaux, ici et ailleurs. Même dans les termes utilisés, les réalités doppression et dexploitation, vécues par les immigré-e-s, sont passées sous silence : ils-elles deviennent des «migrants» dont il faut «réguler» la migration! Derrière ce vocabulaire «politiquement correct» se dissimule, mal il est vrai(!), une acceptation sur le fond de la politique discriminatoire menées par les autorités et prochainement inscrites dans la nouvelle loi sur les étrangers. Les luttes menées ces dernières années par les sans-papiers, en Suisse et en Europe, dessinent le chemin dune autre politique et cest sur cette voie que nous nous engagerons.
Jean-Michel DOLIVO
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«retournons la Letr à son expéditeur!»
Coédit. par CORA et Le Courrier
format 148×210, 150 pages