RMR genevois: une attaque aiguë de la droite
RMR genevois: une attaque aiguë de la droite
Si le RMR vaudois fait face à une rude offensive de ses détracteurs pour en réduire sa portée et ses aspects dynamiques, comme la expliqué Jean Pierre Tabin dans notre dernier numéro, le RMR genevois ne se porte pas mieux.
Le vote du 21 septembre 2001 de la loi sur le RMR par le Grand Conseil genevois a été une étape décisive dans lévolution de la politique sociale. Nombreux, à gauche ou professionnels de lAction sociale, ont certes estimé que ce projet nallait pas assez loin et présentait nombre de lacunes. Cependant, ils ont considéré que la brèche ainsi ouverte permettrait daméliorer notablement le dispositif daide sociale et de situer véritablement ce dernier au cur de la problématique de la désinsertion, à savoir dans cet espace où la politique économique percute la politique sociale. Cest pourquoi ils ont soutenu le projet RMR et continueront à la défendre aujourdhui afin quil puisse progressivement devenir un instrument de politique et de justice sociale pertinent.
A Genève, le RMR – par sa volonté dinscrire la réinsertion sociale et professionnelle comme finalité, par son intention claire de supprimer la dette dassistance et détendre son déploiement au plus grand nombre de bénéficiaires actuels de lassistance, et plus particulièrement, par létablissement dun droit à un revenu minimum cantonal daide sociale – a rompu avec la tradition séculaire de la charité, dont le principe de lAssistance publique découle en droite ligne.
Or, en ce début de millénaire, de ce pas en avant les libéraux et les PDC nont pas voulu. Ils ont lancé un référendum contre cette loi, arguant que le RMR constituerait une incitation à la paresse, au tourisme assistanciel et autres abus potentiels. Daucuns ont même, plus finement, avancé largument du peu de dispositions prévues pour favoriser linsertion. Ceux-là, que lon aurait pu croire plus sensibles à de nécessaires avancés sociales, plutôt que de procéder par étapes et de travailler à une meilleure définition des mesures propres à accompagner les personnes bénéficiant dune aide sociale dans un processus de réinsertion, ont aussi préféré torpiller le RMR.
De quoi ont-ils peur?
Avant daller plus loin dans les avanies rencontrées par le RMR, arrêtons-nous un instant sur quelques unes des positions de ses opposants.
- Sur la durée de séjour de 2 ans minimum pour percevoir le RMR, il semblerait à les entendre quune foule de «prédateurs potentiellement bénéficiaires» se pressent aux frontières du canton pour sy installer afin daccomplir le séjour les autorisant à solliciter le RMR. Lidée quune personne venant sinstaller à Genève puisse avoir dautres ambitions que la pers-pective dun minimum cantonal daide sociale semble navoir pas effleuré lesprit de ceux qui ignorent quaujourdhui la majorité des bénéficiaires de prestations dassistance ont un permis C et présentent de ce fait au moins 5 ans de résidence. Quant aux autres, sils émargent à lassistance, cest quils ressortent dores et déjà du système de prévoyance sociale. Ne vaut-il pas mieux, dès lors, intensifier les moyens et outils de réinsertion pour le plus grand nombre de bénéficiaires plutôt que de créer, à linstar de ce que redoutent nos voisins vaudois, un système de prévoyance sociale à deux vitesses.
Or là les référendaires, qui se sont distingués par le passé par une forte propension à réduire les postes et les ressources des institutions sociales, qui dans les secteurs économiques quils tiennent en main ont systématiquement porté atteinte aux conditions de travail et au pouvoir dachat des travailleurs/euses, restent paradoxalement muets lorsquils sont sollicités sur les moyens de réinsertion, quils saccordent pourtant à trouver insuffisant dans la nouvelle loi. - Sur le montant des prestations RMR, les référendaires ne sont pas au-dessus de tout soupçon. En situant le RMR à hauteur des prestations complémentaires fédérales, Genève avait franchi le pas séparant la notion de minimum vital de celle de minimum social. Un petit pas pour les bénéficiaires, mais un grand pas pour la politique sociale pour autant que ce dernier soit assorti de son indispensable corollaire: la mise en place dun projet social basé sur un rapport contractuel clair. Alors, refuser laugmentation du montant des prestations, revient à vouloir masquer le fait que nombre de travailleurs/euses se situent à la lisière du minimum social et quaujourdhui déjà lassistance publique vient compléter à hauteur du minimum vital les bas salaire dans 6% des dossiers traités.
Nous sommes fondés à nous demander à qui profite lopacité consciencieusement entretenue sur les directives dassistance et du montant du revenu minimum cantonal daide sociale? Mais faut-il réellement faire de longues investigations pour savoir qui sont les autres auxquels profite la pauvreté des un-e-s!
Les libéraux et les PDC sont parvenus à faire aboutir leur référendum et les électeurs/trices se prononceront le 2 juin. Dans cette perspective, partis de l«Alternative», syndicats, associations dusagers et institutions se mobilisent. Ils ont constitué un comité unitaire qui mènera une campagne active pour promouvoir le RMR et défendre la loi du 21 septembre 2001.
Volte face
Soudain, au moment où référendaires et partisans du RMR fourbissaient leurs arguments et se préparaient à la campagne: coup de théâtre, le Conseil dEtat, a une majorité des quatre élu-e-s de lEntente contre les trois de lAlternative, prend position contre le RMR et annonce quil recommandera de voter contre. Il fait ainsi fi des engagements pris par le gouvernement précédent, se démarque du Grand Conseil qui avait clairement pris position en faveur du RMR, et donne le signal darrêt du processus de modernisation-rénovation de lassistance publique entamé au début des années 1990 par Guy-Olivier Segond.
Si nous divergions peut-être avec lui sur les moyens, nous étions, sur ce point de vue au moins, daccord sur la fin. Linstitution dun droit à un revenu minimum garanti, la suppression de la dette dassistance, la remise en question de la notion de minimum vital au profit de celle de minimum social, la reconnaissance du rapport contractuel qui sétablit entre celui qui sollicite les moyens de mettre en place un projet social et linstitution qui doit les mettre à sa disposition sont autant détapes indispensables pour prétendre aujourdhui au développement dune politique sociale digne de ce nom.
Touché, coulé
Depuis quelques décennies, lassistance publique sétait débarrassée de ses oripeaux caritatifs pour devenir dans le cadre de lHospice général un instrument daction sociale, qui na eu de cesse de répondre aux besoins des usagers/gères en dépit des moyens restreints qui lui ont été octroyés ces dernières années. Après lavoir disqualifiée pour mieux faire valoir le projet RMR, on torpille ce dernier.
Dans un touchant concert dunanimité, nombreux sont ceux qui se sont plus jusquici à faire le procès dun système dassistance dit passif. Alors, face à une assistance discréditée, face à un RMR qui prend leau, quelle sera lattitude de leurs détracteurs? Donneront-ils à lassistance ce qui à leurs yeux lui faisait défaut et quils refusent aujourdhui au RMR?
Jocelyne HALLER
Députée ADG-solidaritéS au Grand Conseil genevois