Elections communales: la déroute de la droite

Elections communales: la déroute de la droite

Il fut un temps où le Parti radical vaudois tenait l’appareil d’Etat, des communes au canton, et pouvait s’appuyer sur une majorité populaire relative. C’est la fin de cette époque que les résultats des élections communales vaudoise ont sanctionné fin mars. Le système politique et clientélaire du Grand Vieux parti ne résiste pas aux mutations sociales et économiques en cours (urbanisation du canton, sensibilisation à des degrés divers aux dégâts du néolibéralisme, effondrement social de ses réseaux traditionnels d’influence, etc.). La poussée des Verts, autre dominante de ces élections, tend à combler le vide ainsi laissé par le recul du principal parti du centre droite.

A grands traits, on peut décrire la situation électorale vaudoise ainsi: le Parti socialiste maintient ses positions, voire les améliore un peu, les Verts progressent partout, l’UDC ne perce pas de manière spectaculaire mais s’implante localement, tout en continuant sa mue de parti agrarien en section cantonale blochérienne, la droite radicale et libérale poursuit sa descente aux enfers, alors que la gauche de la gauche progresse elle aussi. Pour la première fois, les étrangers pouvaient voter et être élu. Malgré la difficulté technique du vote (en particulier par correspondance), leur participation a été meilleure que prévue (autour des 25%, la participation générale étant de 34% en moyenne).

Poussée à gauche

Ce schéma est manifeste dans les grandes villes, exception faite de Vevey (où la majorité reste à la droite et où le PS recule): à Yverdon, la palette rose-verte-rouge retrouve, de justesse, une majorité de suffrages et de sièges au Conseil communal, comme à Morges (majorité PS, Verts et indépendants); à Nyon, la municipalité bascule à gauche dès le premier tour, alors que l’ensemble rose-vert-rouge frôle la majorité au Conseil communal. À Renens, ville qui compte plus de 50% d’étrangers et plus d’une centaine de nationalités, la Fourmi rouge (POP & Gauche en mouvement – solidaritéS) talonne le PS; ensemble, avec les Verts, ils détiennent une majorité écrasante au Conseil communal (62,95% des suffrages et 52 sièges sur 80); Marianne Huguenin (Fourmi rouge) arrive en tête de la course à la syndicature. Un résultat qui doit beaucoup au travail de maillage social de son organisation. Dans cette ville, on notera la présence d’un élu de solidaritéS, François Simonin.

Lausanne: majorité absolue rose-verte

À Lausanne, ville où officiellement la droite était partie pour reconquérir la majorité, sa liste unique LausannEnsemble se ramasse, avec 27,35% des suffrages. Le PS progresse légèrement (29,2%), les Verts plus fortement (21,71%), «A Gauche toute!» arrive à 12,2%, devant l’UDC (7.9%). En terme de sièges au Conseil communal, cela se traduit ainsi: PSL, 30 (+ 2), LausannEnsemble, 28 (-7), Les Verts 22 (+ 7), A Gauche toute, 12 (+2), UDC, 8 (+3), les hors parti (4) et hors groupe (3) disparaissant.

On constate ainsi que le PS et les Verts disposent à eux seuls d’une majorité absolue. Cette majorité mathématique ne correspond pas nécessairement à une majorité politique. La progression des Verts s’est faite sur une image de parti rassembleur, un «discours responsable et des propositions réalistes» selon Anne Baehler, coprésidente du parti vaudois. Le potentiel de contestation de ce parti – qui manie avec aisance le principe vaudois de précaution «ni pour ni contre, bien au contraire» et transforme en «durable» à peu près tout et n’importe quoi – baisse en proportion inverse de ses succès institutionnels. Son syndic, Daniel Brélaz, réélu dès le premier tour, s’est vu récemment décerner des lauriers par la très radicale et conservatrice NZZ (Neue Zürcher Zeitung). Cette «radicalisation» des Verts se poursuivra-t-elle? La prochaine législature permettra de le vérifier. Elle risque en tout cas de créer quelques difficultés politiques au PS qui devra alors trouver des majorités en dehors de l’alliance avec les Verts.

Concernant la liste «A gauche toute!» les résultats sont largement satisfaisants. Par rapport aux dix sièges détenus auparavant par le POP & Gauche en mouvement, il y a une progression de deux sièges (+ 20 %), traduisant ainsi l’existence d’une petite dynamique unitaire à la gauche de la gauche, même si, comme il fallait s’y attendre, le résultat des communales ne correspond pas aux résultats cumulés des deux formations aux élections nationales. Le groupe «A Gauche toute!» au Conseil communal (12 élu-e-s) sera, mais oui!, parfaitement paritaire entre femmes et hommes et comptera 4 élu-e-s présentés par solidaritéS: Jean-Michel Dolivo, Luc Chessex (indépendant), Marie-Claude Hofner et Nélson Serathiuk. Au deuxième tour de l’élection à la Municipalité, le candidat de la liste «A Gauche toute!» sera Marc Vuilleumier, qui se présente avec les 4 autres candidat-e-s de l’alliance rose-verte. Voter «A gauche toute!» au deuxième tour sera une nouvelle fois l’occasion de réaffirmer la nécessité d’une présence forte d’un gauche de combat, pour la défense des services publics et contre toutes les discriminations.

Daniel SÜRI