Travailleuses sans statut légal et réfugiées, premières visées!
Travailleuses sans statut légal et réfugiées, premières visées!
Le Collectif du 14 juin à
Genève, le Groupe de soutien aux travailleurs-euses sans statut
légal et la Marche mondiale des femmes se sont engagées,
dans la campagne contre la LETr et la LAsi: affiches, argumentaire
spécifique, interventions, à lappui. Un engagement
qui ne tombe pas du ciel. A Genève par exemple, un groupe de
travail du Collectif soccupe, depuis plus de trois ans, des
liens entre travailleuses sans statut légal et externalisation
du travail domestique. En était issu un appel «pour le
partage du travail domestique
et pour la régularisation
des personnes sans satut légal.»1 Vous
trouverez ci-dessous une contribution de Laetitia Carreras, sociologue
au Centre de Contacts Suisses-Immigrés (CCSI), qui a fait le
point sur cette problématique dans le cadre de la campagne en
faveur du 2xNON.
«A Genève, sur les 6000 personnes SSL passées par
les syndicats, 5000 travaillent dans le secteur de
léconomie domestique, cest-à-dire la prise
en charge des enfants, des personnes âgées et/ou malades,
ainsi que les tâches de nettoyage et dentretien. La
quasi-totalité sont des femmes (plus de 90%).
Il est intéressant de savoir que le secteur de
léconomie domestique est désormais le
cinquième, voir le quatrième plus important du canton. Il
y a 9250 postes à plein temps dans léconomie
domestique. Plus de 25 000 ménages dans ce canton auraient,
daprès les projections, recours à des femmes sans
statut légal.2 Ce nest pas mal…
Particularités et difficultés liées à lexternalisation du travail domestique
Dans notre système néolibéral, où tout
absolument tout se vend et sachète, nous importons ce qui
ne peut pas se délocaliser, notamment dans la prise en charge
des jeunes enfants et des personnes âgées. Cest une
sorte de démoralisation à lenvers, nous
créons ainsi une chaîne internationale de sous-traitance
de soins aux personnes. Il est en effet impossible de soccuper
de ses propres enfants et de gagner de largent, donc la prise en
charge se fait par une autre femme, dont le salaire dépend de
son emplacement dans la chaîne.3
Les difficultés qui en découlent sont notamment:
- Limbrication des conditions de vie et de travail: absence
de statut et imbrication des deux, de manière très
concrète, pour les travailleuses sans statut qui vivent sur leur
lieu de travail. - Ensuite, il y a labsence de Collectif de travail. Dans le
sens que lisolement sur le lieu de travail rend le rapport aux
personnes employeuses beaucoup plus direct (contrairement à
dautres secteurs, tels que lhôtellerie, la
restauration, la construction, lagriculture). Cet isolement rend
les revendications plus difficiles à formuler.
La moindre des choses serait que ces femmes qui effectuent un travail
si important puissent obtenir un permis de séjour et faire ce
travail dans des conditions dignes et respectueuses (ce qui demanderait
aussi une meilleure reconnaissance de ce secteur).
Discriminations découlant de la LEtr
On peut en donner quelques exemples, principalement, dans le cadre du mariage, de la famille et du regroupement familial.4
- Pour les extra-européen-ne-s, le regroupement familial
sera soumis à des conditions encore plus strictes
quaujourdhui. Le regroupement doit intervenir dans les 5
premières années de séjour. Les conditions de
logement doivent être convenables avec la crise de logement
actuelle, cest une condition extrêmement difficile
à remplir. Le regroupement familial peut se faire
jusquà ce que les enfants aient 12 ans. Après, ce
nest plus possible de les faire venir. - Les mariages binationaux sont soupçonnés de
manière systématique. Les personnes qui travaillent
à létat civil sont obligées de refuser la
célébration dun mariage, si elles le
considèrent de complaisance. Or, il faut savoir quil
existe deux fois plus de femmes dorigine
étrangères qui épousent des citoyens suisses
ou avec permis que linverse. La LEtr impose aux
deux époux de vivre ensemble, ce qui a des conséquences
dramatiques en cas de violences maritales. Le refus de la violence et
le départ du domicile conjugal riment avec perte du permis de
séjour. Bien que des exceptions à cette exigence de
domicile commun aient été prévues dans la LEtr,
nous craignons une application restrictive de la Loi.
Il y a un autre domaine où la LEtr na pas les mêmes
conséquences pour les femmes migrantes que pour les hommes
migrants. En effet, il est impossible pour les personnes sans statut de
se régulariser, sauf pour les personnes hautement
qualifiées. Ce qui ne correspond dailleurs pas aux
besoins de notre économie.
Cest une disposition qui exclut demblée les
personnes qui travaillent dans le secteur de léconomie
domestique, de lagriculture, de la restauration, de la
construction et de lhôtellerie. Cest une
disposition qui va maintenir les personnes en général et
les femmes en particulier dans la clandestinité et en augmenter
le nombre.
Dautre part, les femmes pour des raisons socio-politiques et
socioculturelles dans le sens large de différentes
places assignées aux femmes et aux hommes ont des
degrés de formation moindre, ce qui a un impact évident
sur les possibilités dêtre
considérées, ou pas, comme hautement qualifiées.
Discriminations dans la LAsi
- Laccélération des procédures.
Cest-à-dire le fait que les personnes devront
présenter des pièces didentité dans les 48
heures pour que les autorités entrent en matière. Les
femmes et les enfants seront les premières victimes de cette
disposition.
Dans de nombreux pays, les femmes ont besoin de la permission de leur
père, de leur frère ou de leur mari pour obtenir des
papiers didentité. Et cette permission leur est souvent
refusée! Si elles doivent fuir pour sauver leur vie et celle de
leurs enfants, elles arriveront sans papiers et elles ne pourront pas
demander refuge en Suisse.
- Le sexe nest pas reconnu de manière explicite comme
motif de persécution pour obtenir lasile. Les mariages
forcés, les mutilations sexuelles ne sont pas, par exemple, un
motif admis pour obtenir lasile. Le refus de prendre en compte
les persécutions non étatiques pour accorder le droit
dasile est très préjudiciable pour les femmes.
Par ailleurs, devoir parler de violences sexuelles, tels que viol, ne
peut se faire dans limmédiateté et
nécessite un environnement adéquat».
1 Sur: www.solidarites.ch No davril 94
2 Flückiger et Pasche, 2005
3 Russel Hochschild, 2002
4 V. tract-argumentaire MMF sur www.solidarites.ch