Quelques bonnes lignes à déguster au coin du feu

Quelques bonnes lignes à déguster au coin du feu

Gramsci: du libéralisme au communisme critique

Gramsci a connu son heure de gloire en France dans les années
1970, porté par la conjoncture politique de
l’époque, alors que paradoxalement il n’était
traduit que de façon très fragmentairement.
Aujourd’hui, après la chute de l’URSS et
l’achèvement de l’édition Gallimard, qui rend
la totalité de l’œuvre disponible en
français, l’heure est venue de la
réévaluation de cet auteur, unanimement
considéré comme un classique du 20e siècle.
Pourtant, les ouvrages de référence, nombreux dans la
plupart des langues européennes font largement défaut en
français. Ce livre entend combler ce manque: écrit dans
une langue d’une exceptionnelle clarté, il rend accessible
la richesse des articulations d’une pensée subtile, tout
en situant avec précision et esprit le parcours de Gramsci dans
le contexte politique et historique de son époque. Cet essai,
immédiatement salué dès sa publication en italien
comme un jalon dans les études gramsciennes, propose une
interprétation originale de la pensée du
révolutionnaire sarde et une discussion serrée de son
apport pour la reconstruction d’une politique
émancipatrice aujourd’hui. Il s’adresse ainsi
à celles et ceux qui cherchent une introduction claire et
synthétique à Gramsci et veulent approfondir leur
connaissance de l’auteur par une approche novatrice, qui reprend
les acquis de toute la recherche récente.

LOSURDO, Domenico, Gramsci: du libéralisme au communisme critique, Paris, Syllepse, 2006.

Le Venezuela de Chávez

Hugo Chávez…Des centaines de milliers de
Vénézuélien-nes maudissent chaque jour leur
Président et aimeraient le voir mort – ou en tout cas
écarté du pouvoir. A Washington, quelques importants
personnages n’en pensent pas moins. Et pourtant, depuis 1998,
élection après élection, dans un cadre
démocratique, «le peuple» –
c’est-à-dire la majorité – appuie celui
qu’il considère comme son meilleur représentant.
Comment comprendre «l’énigme Chávez»
sans se pencher sur le quotidien de la «révolution
bolivarienne»? Plus pragmatique qu’idéologique, elle
a su développer des programmes sociaux sans équivalent
dans une Amérique latine accablée par la pauvreté.
Elle prône une démocratie «participative»,
dans laquelle les citoyens s’emploient à devenir le moteur
de leur propre histoire. Elle cherche la voie d’un
«socialisme du 21e siècle», qui laisse
derrière lui les erreurs du passé et manifeste une
fantastique volonté d’intégration avec les autres
nations de la région. Par le texte et par l’image, loin
des interprétations simplistes qu’inspire cette
révolution atypique, retour sur ces années qui ont
transformé le Venezuela.

Maurice LEMOINE, Le Venezuela de Chávez, Paris, Alternatives, 2006.

Un Silence de mortes, la violence masculine occultée

Alors que les hommes exercent des violences contre les femmes et les
enfants, la société met tout en oeuvre pour occulter
cette réalité. Si les progrès dans la lutte contre
les violences masculines sont indéniables, la violence, elle,
continue bel et bien d’exister. Pour l’auteure, cette
violence est l’un des moyens d’entretenir en bon
état de marche le système de domination patriarcale,
système dont profitent la majorité des hommes et une
minorité de femmes. C’est donc la société
patriarcale dans son ensemble qui élabore activement
l’occultation de la violence, afin d’éviter
qu’elle ne cesse. Ce livre établit et décrit,
à partir d’un matériau aussi vaste que
diversifié, les différents types de violences masculines
et les différentes manières de les occulter, tant au
niveau social, qu’il s’agisse des lois, du fonctionnement
des services socio-sanitaires, de la police et des tribunaux, des
théories psychologiques et psychiatriques en vigueur,
qu’au niveau des individus et de leurs ressorts
psychologiques. 

Patrizia Romito est professeure de psychologie sociale à
l’université de Trieste (Italie). Elle travaille sur la
santé mentale des femmes et les réponses sociales aux
violences qu’elles subissent.

Patrizia ROMITO, Un Silence de mortes, la violence masculine occultée, Paris, Syllepse, 2006.

De la question sociale à la question raciale?

À l’ombre des émeutes urbaines de l’automne
2005, c’est la représentation d’une France
racialisée qui s’est imposée dans le débat
public. On n’ignorait pas le racisme, mais on découvre
combien les discriminations raciales, dans l’emploi, le logement
et à l’école, face à la police et à
la justice, structurent des inégalités sociales. En
retour, se font entendre des tensions dans le langage politique de la
race, naguère encore interdit de cité. Aujourd’hui,
la question raciale vient ainsi apporter un démenti aux discours
qui se réclament de l’universalisme républicain;
mais elle ne permet pas davantage de représenter la
société exclusivement en termes de classes. Faut-il ou
non parler de races? Comment nommer ces réalités sans
stigmatiser les groupes qu’elles désignent? Doit-on se
réjouir du fait que les discriminations raciales soient enfin
révélées, ou bien se méfier d’un
consensus trompeur qui occulterait des inégalités
économiques? D’ailleurs, en a-t-on vraiment fini avec le
déni du racisme? À ces interrogations, les auteurs ne
proposent pas une réponse univoque, mais leur réflexion
collective donne des outils pour penser l’actualité
d’une société héritière de
l’histoire de l’esclavage et de la colonisation. Ensemble,
ces études composent un éloge de la complexité,
autour d’un engagement problématisé: comment
articuler, plutôt que d’opposer, question sociale et
question raciale?

Didier Fassin anthropologue et sociologue, est directeur
d’études à l’EHESS et professeur à
l’université Paris-Nord. Il a notamment publié Les Constructions de l’intolérable et Quand les corps se souviennent.
Eric Fassin, sociologue et américaniste, est professeur
agrégé à l’École normale
supérieure. Il est l’auteur de Liberté, égalité, sexualités (avec Clarisse Fabre) et de L’inversion de la question homosexuelle.

Didier FASSIN et Eric FASSIN, sous la dir. de, De la question sociale à la question raciale?, Paris, La Découverte, 2006.