La police tue

Manifestation Black Lives Matter à la suite de la mort de George Floyd tué par la police aux États-Unis, Lausanne, 17 juin 2020
Manif Black Lives Matter, Lausanne, 17 juin 2020

La police assassine. La police tabasse. La police humilie. La police viole. La police écrase. La police torture. La police ment. La police essaie de cacher qu’elle assassine, tabasse, humilie, viole, écrase, torture et ment. Et la justice acquitte. Et la justice condamne et enferme ceux et celles (mais surtout ceux) qui luttent contre cette abjection, ceux et celles (mais surtout ceux) qui se savent visé·e·s, quoi qu’ils fassent ou ne fassent pas. 

Dans son Cahier d’un retour au pays natal, Aimé Césaire parlait de ces personnes qui se savent ciblées pour ce qu’elles sont et non ce qu’elles font ; il parlait de «l’homme-­famine, l’homme-insulte, l’homme-­torture on pouvait à n’importe quel moment le saisir le rouer de coups le tuer – parfaitement le tuer – sans avoir de compte à rendre à personne sans avoir d’excuses à présenter à personne»

Le 22 juin dernier, les six policiers qui ont tué Mike Ben Peter à Lausanne ont été acquittés. Cinq jours plus tard, en France, un adolescent de 17 ans, Nahel Merzouk, était exécuté froidement dans la rue par un policier, suscitant des révoltes dans tous les quartiers populaires du pays. 

Tous savent que Nahel, c’est eux, ou leur fils, ou leur voisin. Tous savent, ont appris par la répétition éreintante des humiliations racistes, ce que signifie être un homme arabe ou noir, ce que le monde projette sur eux. 

Combien de fois Mike et Nahel ont-ils été écrasés par la déshumanisation raciste et les violences d’État, par l’exclusion sociale, économique, juridique, spatiale, et la relégation hors de l’humanité commune? Combien de fois ont-ils été assommés par la fureur raciste avant de croiser la route de leur(s) meurtrier(s)? 

Ces révoltes ont aussitôt fait face à un arsenal policier et juridique impitoyable: des dizaines de milliers de policiers ont été mobilisés sur tout le territoire. Le 30 juin, un communiqué commun du syndicat de police d’extrême droite Alliance et de l’UNSA Police disait être «en guerre» contre ceux qu’ils appelaient des «nuisibles», des «hordes sauvages». Il lançait au passage une menace à peine voilée contre le gouvernement. Dimanche 2 juillet, un homme est décédé à la suite d’un tir de flashball à Marseille. La répression a en outre mené à des milliers d’arrestations et de gardes à vue, ainsi qu’à des suites interminables de comparutions immédiates qui ont souvent abouti à des peines de prison ferme pour des qualifications juridiques dérisoires. Enfin, elle est allée jusqu’à interdire la manifestation du 8 juillet contre les violences policières organisée par le comité Adama et à faire subir un plaquage ventral brutal, abominable, cruel, au frère d’Adama, Youssouf Traoré.

solidaritéS réaffirme son soutien inconditionnel envers toutes celles et ceux qui luttent contre les violences racistes. À leurs côtés, nous exigeons l’amnistie et la libération immédiate de toutes les personnes interpellées dans le cadre des révoltes. Comme elles et eux, nous ne sommes pas dupes sur la possibilité de réformer cette institution dont la fonction est la violence sociale et raciale. Mais nous savons que nous ne pouvons pas attendre et qu’il est urgent d’interdire les techniques d’interpellations violentes (plaquage ventral notamment) et, plus largement, de leur faire rendre les armes. Justice pour Mike, justice pour Nahel et tou·te·s les autres!

Anouk Essyad