Procès des policiers qui ont tué Mike

L’indécence

Le 11 juin 2023 s’ouvrait le procès des policiers impliqués dans la mort de Mike Ben Peter en 2018. Dans l’attente du verdict, notre camarade Maimouna Mayoraz, qui a suivi le procès de près, livre ses impressions.

Des manifestants tiennent une banderole État coupable, police complice, stop racisme
Le 3 juin dernier, plus de 500 personnes se sont rassemblées à Lausanne pour exiger « justice pour Mike », à l’appel du collectif Kiboko. À quelques jours de l’ouverture du procès des six policiers liés à son décès, cette mobilisation visait non seulement à maintenir la pression, mais aussi à réhumaniser Mike Ben Peter, une qualité que lui refuse la police comme la justice jusqu’à aujourd’hui.
Simone Buzzi

Pour rappel, Mike Ben Peter, membre du collectif Jean Dutoit, originaire du Nigeria, est décédé aux environs de la gare de Lausanne à la suite d’un contrôle policier en février 2018. Les rapports médico-légaux ainsi que divers témoignages indiquent que celui-ci a reçu des coups dans les parties génitales, du spray au poivre puis s’est fait menotter et maintenir au sol par six policiers. Cet acharnement a entraîné un malaise cardiaque puis une déclaration de décès le lendemain au CHUV. 

Parce qu’il était membre de Jean Dutoit, parce qu’il n’était pas isolé, dès le lendemain de sa mort, ses camarades et proches se sont mobilisé·e·x·s. Rassemblements, manifestations, lettres ouvertes et actions diverses et variées ont rythmé ces cinq dernières années. À n’en pas douter, cet important travail du collectif antiraciste lausannois Kiboko et d’autres a permis la tenue d’un procès et une mise en accusation. C’est à féliciter. 

Parodie de justice

Néanmoins, nous sommes effaré·x·e·s par la parodie de justice à laquelle nous avons assisté ces derniers jours. Un acte d’accusation incomplet, une enquête de voisinage mal menée, le refus du tribunal d’accéder aux demandes de la partie plaignante, la non-présentation des états de service des policiers impliqués et, surtout, le refus total de prendre en compte le caractère structurel du racisme au sein des forces de police empêchent tout processus de réparation pour la famille de la victime. C’est comme si ce procès servait avant tout à jouer la comédie d’une justice neutre et impartiale. Circulez, y a rien à voir.

Sans compter qu’en parallèle du procès, nous apprenions, grâce à l’émission de la RTS «Mise au Point», l’existence d’un groupe WhatsApp de flics où il est de bon ton de se moquer de la mort d’un homme noir tué par la police. Nous apprenions également qu’un policier peut être affecté à la surveillance de ce procès en arborant un badge d’extrême droite, celui de l’organisation pro-police et suprémaciste Thin Blue Line, sans faire sourciller sa hiérarchie. 

Nous apprenions qu’un avocat peut salir la mémoire et l’héritage de Martin Luther King en utilisant son discours légendaire «I have a dream» pour défendre des policiers racistes. Et au cas-où ce n’était pas clair, nous avons compris que, pour la bourgeoisie, la vie d’un homme noir ne compte pas. 

Ce procès restera dans les annales comme une démonstration de force d’un Ministère public et d’une police qui n’arrivent pas à cacher leur nature raciste et autoritaire.

Dans ces conditions, il nous est pour l’instant impossible de vous proposer une analyse pertinente et censée de cette séquence politique tant cette théâtralisation de l’injustice par sa violence et son indécence nous a déstabilisé·x·e·s. Nous vous renvoyons à l’excellent travail de restitution du procès et d’analyses politiques effectué par le collectif Kiboko et ses soutiens, publiés sur le site Renverse.co. 

Justice for Mike. 

Maimouna Mayoraz