(re)Lire aujourd'hui José Bleger (1923-1972)

(re)Lire aujourd'hui José Bleger (1923-1972) : Ambiguïté, subjectivation et création sociale

Un collectif de femmes organise les 19, 20 et 21 mars un colloque international à l’université de Genève autour de l’œuvre du médecin, psychiatre, psychanalyste argentin José Bleger. Entretien avec Marie-Claire Caloz-Tschopp, directrice du programme « Repenser l’Exil dans la citoyenneté contemporaine » du Collège international de philosophie à Paris (CIPh) et Valeria Wagner, maître d’enseignement et de recherche à l’université de Genève (UNIGE).

Dans le cadre de vos recherches sur l’exil et le desexil, vous nous proposez aujourd’hui de (re)lire José Bleger. Qu’est-ce qui a motivé ce choix?

 

C’est la suite du travail de réflexion sur l’exil et le desexil qui, depuis 2010, se fait à Lausanne, Genève, Neuchâtel, Concepción (Chili), Istanbul (Turquie) et qui en mars prochain se fera à Genève et au printemps 2016 entre Genève et Paris (colloques prévus sur Antonio Gramsci et Rosa Luxemburg). La perspective est double : se demander si nous ne sommes pas tous des exilé·e·s dans le monde d’aujourd’hui et comment nous faisons pour vivre le desexil dans nos vies quotidiennes à tous les niveaux; mieux connaître les formes de violence dans nos vies, voire de violence « extrême » comme dit Etienne Balibar, qui nous entourent et que nous constatons dans les nouvelles formes de guerres (Ukraine, Syrie, Nigeria, etc.).

Nous voulons approfondir la résistance, ce qui nous renforce dans la vie quotidienne en tant que sujets politiques, de droit, de savoir. Quel projet ? Quel futur positif ? Le travail du psychanalyste Jose Bleger en Argentine, dans les années de la dictature populiste de Peron, permet de comprendre la dimension politique  de la (dé)subjectivation contemporaine dans nos sociétés. Quand on devient une chose « jetable » plutôt qu’un vrai sujet qui peut décider de sa vie ? On peut résister à la violence, à l’inégalité, au découragement. On peut aussi s’adapter à n’importe quoi, croire que la catastrophe est inévitable, devenir indifférents, accepter tout et n’importe quoi alors qu’il faudrait se révolter, chercher des alternatives, inventer des nouvelles formes de vie. Le concept d’ambigüité (de personnalité ambiguë) que développe Bleger permet de lire les contradictions dans les  modes de vie et de consommation que nous vivons à tous les niveaux (vie personnelle, travail, loisirs, etc.). 

A qui s’adresse ce colloque transdisciplinaire qui aura lieu à Genève en mars, et quels en sont les enjeux?

 

Le colloque (voir programme détaillé : exil-ciph.com) s’adresse à celles et ceux qui se trouvent peut-être coincés dans la position de ceux·celles qui subissent la vie et la réalité socio­politique, et qui cherchent des manières d’orienter leurs pratiques, leurs activités professionnelles, pour ne pas s’enfermer dans le conformisme ou la résignation. Pour nous, c’est évident qu’il n’est pas facile de passer de l’acceptation de ce qui se passe, au refus d’y participer par l’abstention, et encore moins facile de « passer à l’acte » et de nous imaginer concrétisant des changements dans notre société. C’est pourquoi il nous parait important de réfléchir à comment on réagit au climat oppressant contemporain, aux frustrations et sentiments d’impuissance que nous partageons, pour en dégager les traits communs, objectivables, et transformables. Un des apports de la théorie – à ce jour minoritaire – de José Bleger est de renouveler les termes, concepts et expériences pour penser notre condition, largement définie aujourd’hui par un horizon d’urgences et de menaces, véritables et aussi fictives, contre lesquelles nous souhaitons nous protéger. 

 

 

Quels vont être les grands axes de réflexion de ce colloque qui se propose de rassembler à la fois des universitaires, des pro­fes­sion­nel·le·s de la santé, du social, de l’éducation, des services publics plus généralement, et des militant·e·s ? 

 

Le colloque commencera le jeudi après-midi par un repérage de l’ambiguïté dans nos expériences (ateliers). Le vendredi, le travail de José Bleger sera approfondi et sa pertinence au contexte contemporain évaluée. Le travail de ce psychanalyste qui s’est battu à son époque est-il d’actualité aujourd’hui pour nous ? Est-ce que ses outils sont utiles pour nous ? Finalement, la journée du samedi sera consacrée à la notion d’ambiguïté vue depuis des études littéraires et cinématographiques, mais aussi depuis la philosophie politique, le droit, l’histoire pour dégager son potentiel de création. Nous pouvons beaucoup apprendre d’un Argentin qui, à son époque, n’a pas accepté de se couler dans le moule du conformisme.

Pour finir, signalons aussi qu’un séminaire de huit séances accompagne et prolonge ce colloque. Il prolonge sous d’autres angles notre travail de réflexion collectif. Son titre : Pouvoir, DesExil, Convertibilité. La pensée à l’épreuve du conformisme, de l’incertitude, de la création. Il est ouvert à tout public. Il est possible de participer à l’ensemble ou de choisir l’une ou l’autre séance. La dernière séance du 14 mai aura lieu en présence de Pinar Selek qui parlera de l’exil et aussi de son dernier livre sur l’Arménie. 

 

Propos recueillis pour notre rédaction par Marianne Ebel

 

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Dates 26 février

5 et 26 mars

16, 23 et 30 avril

7 et 14 mai

Horaire 18 h 30 — 21 h

Lieux Unige, salle B 105

Fac. des Lettres

Théâtre du loup.

Programme exil-ciph.com

Participation gratuite, libre,

ouverte à tous